Conférence : "De Brie et de Champagne à Jérusalem, faire son pèlerinage à la fin du XVe siècle et dans la Première moitié du XVIe siècle."

« Maistre Denis Possot », prêtre de Coulommiers en Brie, son cousin « Jehan de Beauni », marchand, le capitaine Jehan Mouton de Provins, et Charles Philippes, seigneur de Champarmoy et Grandchamp, procureur de Robert de la Marche, chevalier de l’ordre, maréchal de France, seigneur de Florenges, Château-Thierry, comte de Brayne et seigneur de la Ferté-Gaucher, « tous esmeuz de bonne devotion pour aller veoir et visiter le sainct Sepulchre de Hierusalem & aultres saintctz lieux ou nostre saulveur & redempteur Jesuchrist souffrit mort & passion » partirent de Nogent-sur-Seine le 12 mars 1532 pour un long et dangereux voyage en Terre Sainte. 

Denis Possot avait entrepris d’écrire une relation détaillée de son voyage vers la Terre Sainte, « très ample et abondante » comme le précise de titre. Sur le chemin du retour, à Candie, Jehan de Beauni périt de la grippe le 23 août ; le 17 septembre, Denis Possot le suivit. Le manuscrit commencé par Jehan Possot fut achevé par Charles Philippes et publié en 1536.

Cette édition est particulièrement importante. De la première moitié du XVIe siècle, nous ne connaissons qu’un peu plus d’une vingtaine de relations écrites de voyage en Terre Sainte ; six de celles-ci sont en Français, seize sont le fait d’Allemands, de Suisses et de Flamands. 

Traversant la Champagne, Denis Possot cite rapidement les lieux visités mais s’attarde sur deux monuments particuliers. Le premier est à Troyes « Entre lesquelles (églises) y a une église de sainct Nicolas en laquelle est la description par figure du mont de Calvaire avec le sainct Sepulchre, fors semblable à la verite à celuy de Hierusalem, avec une chapelle de nostre dame de Laurette ». L’église Saint-Nicolas avait brûlé lors du grand incendie de 1524. La reconstruction de l’église avait débuté avec la chapelle de Notre-Dame de Lorette, consacrée à la Toussaint 1530 ; le « Mont du Calvaire » et le « Saint Sépulcre » n’avaient pas encore été reconstruits ou restaurés, et devront attendre les années 1550. Pourtant, Denis Possot n’évoque pas l’état dans lequel sont alors ces chapelles. Le deuxième monument se trouvait sur la route de Bar-sur-Seine : « environ ung quart de lieue du grant chemin y a ung chasteau tout neuf nommé Remilly fort beau que ung marchant de trois nommé Pyon a fait faire ».

Troyes, église Saint-Nicolas, Saint-Sépulcre, le Christ présenté sur son linceul, attribué au Maître de Chaource

Pourquoi Denis Possot avait-il porté l’attention sur ces deux monuments, faisant un écart en direction de Rumilly pour le second ?

Si Denis Possot avait laissé par écrit le témoignage de son pèlerinage, achevé par Charles Philippes, ce dernier était revenu avec le titre de chevalier du Saint-Sépulcre ; le Mont du Calvaire et de Saint Sépulcre de Saint-Nicolas, et le château de Rumilly étaient la réalisation de deux autres pèlerins en Terre Sainte : le premier ensemble avait été édifié par Jacques Colet, curé de Rumilly, de Saint-Jean-au-Marché de Troyes et de ses succursales dont Saint-Nicolas ; le deuxième bâti par Pierre Pyon, qui fut adoubé comme Charles Philippe chevalier du Saint-Sépulcre ; il ne manqua de le rappeler sous diverses formes au cours de sa vie. 

Si ces trois exemples sont particulièrement marquants, d’autres souvenirs peuvent encore témoigner, en Champagne, d’un tel voyage en Terre Sainte.

Ainsi c’est au travers de la relation de Denis Possot, achevée par Charles Philippes, que nous vivrons ce voyage en Terre Sainte effectué par ces notables de Champagne et de Brie, dans un contexte marqué encore des guerres d’Italie, l’expansion des Ottomans en Europe orientale et en Méditerranée, l’alliance de François Ier et de Soliman le magnifique, et les épidémies qui frappent les régions traversées. 

Marqués par ce long et saint voyage, certains de ces pèlerins fixeront leurs souvenirs dans des œuvres pour l’éternité, sur lesquelles nous porterons notre attention. 

Conférence donnée au Musée de Provins le 15 novembre 2025.

Baie 101, église Saint-Martin de Rumilly-lès-Vaudes, Résurrection, don de Pierre Pyon et de son épouse Jeanne Festuot.