mardi 10 janvier 2023

Note de lecture : Michel Belotte, "Histoire de Bar-sur-Seine des origines à 1789"

Michel Belotte, Histoire de Bar-sur-Seine des origines à 1789, Dijon, « Aux dépends de l’auteur », 2003, 391 p. 

 Note de lecture


Depuis 1854, Bar-sur-Seine attendait un véritable renouvellement de son historiographie. 

Le XVIe siècle avait vu la réalisation d’un manuscrit, perdu depuis longtemps, par l’un de ses notables, Jean de Lassoirrois ou de Lauxerrois. Au milieu du XVIIe siècle, les recherches du Père Jésuite Jacques Vignier étaient restées à l’état de manuscrit, conservé à la Bibliothèque Nationale. En 1772, était enfin imprimée la première histoire de Bar-sur-Seine produite par son maire, Rouget, sous le titre Recherches historiques sur la ville et l’ancien comté de Bar-sur-Seine. Enfin venait en 1854 le livre de Lucien Coutant, Histoire de la ville et de l’ancien comté de Bar-sur-Seine, depuis réédité plusieurs fois. Dès sa sortie, l’ouvrage du Riceton fut décrié par certains de ses contemporains. L’auteur, donnait trop souvent un récit romancé des événements, comblant les lacunes documentaires par des passages imaginés, forçant l’enchaînement des faits et ne se formalisant pas de contradictions. Bon nombre de travaux et articles, publiés au cours des XIXe et XXe siècles, allaient le mettre en évidence, parmi lesquels ceux d’Arbois de Jubainville, Lalore, Laurent, Piétresson de Saint-Aubin et Socard. Pourtant, Maurice Robert, avec A travers le Barséquanais, sortait en 1929 un ouvrage dont l’histoire restait encore très inspirée de celle très populaire de Lucien Coutant. 

Alphonse Roserot, dans son immense Dictionnaire historique de la Champagne méridionale, allait poser de nouvelles bases, offrant une longue notice riche de renseignements qui ne demandaient qu’à être exploités et approfondis. Mais personne n’avait encore osé entreprendre une nouvelle histoire de Bar-sur-Seine. La dispersion et l’état lacunaire des archives et fonds documentaires rendaient la tâche difficile, plus aptes à donner de nombreux articles spécialisés qu’à faciliter une synthèse. A défaut, le livre de Lucien Coutant demeurait pour beaucoup la référence.

C’est à une autre personne native des Riceys que nous devons cette dernière histoire de Bar-sur-Seine. Né en 1932, Michel Belotte est professeur honoraire en première supérieure et docteur ès lettres, spécialiste de l’histoire des confins « burgundo-champenois » auquels il consacre de nombreuses publications, ainsi à partir des années 1950 un Diplôme d’Etudes Supérieures sur Jully-sur-Sarce (Histoire de Jully-le-Châtel, aujourd’hui Jully-sur-Sarce, aux XIVe et XVe siècle, Dijon, 1955), et de nombreux articles. En 1973, il présentait à l'Université de Dijon une thèse intitulée La région de Bar-sur-Seine à la fin du Moyen Age, du début du XIIIe siècle au milieu du XVIe siècle ; étude économique et sociale. En 1997, il publiait une Histoire de Châtillons-sur-Seine des origines à nos jours (Dijon, « Aux dépends de l’Auteur », 1997). 

L’Histoire de Bar-sur-Seine est le fruit de longues années de travail à compiler les informations, à ficher les références et sources, à broder le canevas très décousu de l’histoire de la ville. En 390 pages, nous est livré l’essentiel de l’histoire de Bar-sur-Seine des origines à 1789 et la bibliographie la plus complète pour qui veut approfondir un point particulier. 

Le plan est classique, suivant la chronologie comme toute bonne monographie urbaine. Après avoir replacé et décrit la modeste ville dans son environnement, l’auteur donne un court chapitre sur les premières et rares traces d’occupation dans la région, sans se perdre en mythologies et conjectures. L’histoire de Bar-sur-Seine débute réellement au moment où les sources le permettent, au tout début du XIe siècle. Cette histoire se confond avec celle de ses seigneurs, issus d’abord de la maison de Tonnerre puis, par mariage, de la maison de Brienne. Milon II, cité de 1085 à 1124, semble le premier à porter le titre de comte. Un nouveau mariage, en 1168, fait entrer le comté de Bar dans la maison du Puiset. Dès les XIe et XIIe siècles, au travers des liens de féodalité, se dessinent des rapports de force entre l’évêque de Langres, le Comte de Champagne et les ducs de Bourgogne. C’est ce qui fait l’originalité de cette petite cité, ni en Champagne, ni en Bourgogne, ou plutôt appartenant aux deux à la fois. Au XIIIe siècle, le comté de Bar-sur-Seine devient champenois, le comte de Champagne Thibaud IV le rachetant aux héritiers du comte Milon IV, mort devant Damiette en 1219. Thibaud IV affranchit les habitants de la ville et établit un maire assisté d’un conseil de ville. Le rattachement du comté de Champagne à la couronne, par la mariage de Jeanne de Navarre, née à Bar-sur-Seine, avec Philippe le Bel, fait du roi de France le nouveau comte de Bar-sur-Seine. Au XVe siècle, Bar-sur-Seine devient bourguignonne, cédée en 1424 par le duc de Bedford, alors régent au nom de son neveu Henri VI d’Angleterre, à Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Le duché de Bourgogne est rattaché à la couronne, à la mort de Charles le Téméraire, en 1477. Mais les héritiers bourguignons, Maximilien puis Charles Quint, revendiquent la possession de la ville jusqu’au traité de Crépy, en 1544.

Pratiquement détruite par les guerres du XVe siècle, Bar-sur-Seine peut alors se reconstruire dans la première moitié du XVIe siècle et connaître une certaine prospérité avant de subir les désastres des Guerres de Religion. Les massacres de la Saint Barthélemy de 1562 et les guerres de la seconde Ligue (1589-1595) affectent la ville. Avec le retour de la paix, Bar-sur-Seine devient un petit centre administratif et judiciaire, lié à la Bourgogne pour l’administration et la fiscalité, mais relevant de la coutume de Troyes et du Parlement de Paris pour la Justice. Le huitième et dernier chapitre est consacré à l’histoire religieuse. Bar-sur-Seine dépend de l’évêché de Langres. La Révolution Française, et la création des départements, allait placer définitivement Bar-sur-Seine dans l’influence troyenne et dans la Champagne. 

Le livre ne s’achève pas pour autant. Il se poursuit avec de nombreuses annexes : « notices sur les écarts de Bar-sur-Seine », « L’abbaye de Mores », les armoiries et sceaux de la ville, la liste des doyens, des curés, des maires, châtelains et bien d’autres officiers encore, et des généalogies.

L’auteur voulait faire une « mise au point des connaissances actuelles », ainsi qu’il le déclare modestement dans la conclusion, afin de dissiper « quelques erreurs commises par des historiens anciens ». Il reconnaît volontiers qu’il reste encore du travail à faire, qu’il aurait fallu « affiner l’étude de l’économie et de la société aux XVIIème siècle et XVIIIème siècle », tirer profit de fouilles archéologiques, qui restent à faire de façon scientifique, sur les ruines de l’ancien château comtal, et prolonger l’histoire jusqu’à nos jours. D’autres aspects auraient pu être encore approfondis, mais de tels prolongements étaient-ils nécessaires pour un tel ouvrage ? Les finalités semblent bien atteintes,  donner à l’amateur une histoire de Bar-sur-Seine renouvelée, sans qu’il ait à se perdre dans les nombreux articles et la documentation fragmentaire, offrant de ce fait un récit continu dans la longue durée. Le livre de Michel Belotte est la nouvelle référence de l’Histoire de Bar-sur-Seine, la nouvelle base pour les générations futures qui voudront bien moudre le grain que l’auteur nous a laissé.

Michel Belotte aux Archives départementales de l'Aube :

1955 - Histoire de la seigneurie de Jully-le-Chatel (aujourd'hui Jully-sur-Sarce, Aube) aux XIIIe et XIVe siècles, Mémoire présenté pour l’obtention du Diplôme d'études supérieures, Université Dijon – cote : 36 J 4

1957 - « Une seigneurie champenoise prospère à la fin du XIIIeme siècle : Jully-le-Châtel aujourd'hui Jully-sur-Sarce» , La Vie en Champagne, n°51, p. 6-7 – cote : 5 PL 3

1965 - « Les possessions des évêques de Langres dans la région de Mussy-sur-Seine et de Châtillon-sur-Seine du milieu du XIIe au milieu du XIVe siècle », Annales de Bourgogne, t. XXXVII, n° 147, p. 161-197 - cotes : HB 1735 et 21 PR 13

1967 - Petite histoire des Trois Riceys (Aube) des origines à 1789, Dijon, « Aux dépends de l’auteur » - cote : PP 918

1968 - Petite histoire de la commune des Riceys (Aube) de la veille de la Révolution de 1789 au lendemain de la grande guerre, Dijon, « Aux dépends de l’auteur » - cote : PP 343

1968 – « Bar-sur-Seine sous le gouvernement des Ducs de Bourgogne (1424-1477) », La Vie en Champagne - cote : 5 PL 8

1968 – « Histoire de l'hôpital de Bar-sur-Seine, des origines à 1789 », La Vie en Champagne, n° 168, p. 3-5 – cote : 5 PL 8

1973 - La région de Bar-sur-Seine à la fin du Moyen Age du début du XIIIe siècle au milieu du XVIe siècle, Thèse présentée devant l'Université de Dijon, le 24 février 1973, Service de reproduction des thèses Université de Lille III - cote : BP 1077

2000 - « Bar-sur-Seine durant les guerres des XIVe et XVe siècles », Patrimoine Barséquanais, bulletin n° 8 (31 mars 2000) et bulletin n°9 (30 juin 2000) - Cote : 579 PL 1

2003 - Histoire de Bar-sur-Seine des origines à 1789, Dijon, « Aux dépends de l’auteur », 391 p. – cotes : BP 3305 et BP 3309

2006 - Les trois Riceys à la fin de l'Ancien Régime (1789) : Ricey-Haut, Ricey-Haute-Rive, Ricey-Bas, Aux Dépens de l’Auteur, Dijon, « Aux dépends de l’auteur » - cote : BM 1612