mardi 21 décembre 2010

Dominique Florentin, artiste de la Renaissance

Ce texte est un résumé revu et corrigé de l'article "Dominique Florentin, un état de la question" publié dans La Vie en Champagne, n° 43 de juillet-septembre 2005, p.55-65.


La Vierge et saint Jean du Calvaire
par Dominique Florentin pour le jubé de Saint-Etienne de Troyes
groupe sculpté conservé au musée du Vauluisant, Troyes

Appelé selon les sources Domenico del Barbieri, Domenico del Barbiere, Domenico Fiorentino et encore sous diverses formes Dominique Rycouvry ou Ricovery, Dominique Florentin serait né à Florence ou sa région entre 1501 et 1506, et mort à Troyes à une date encore indéterminée, au tout début des années 1570. La tradition rapporte qu’il a été inhumé en l’église Saint-Pantaléon, la paroisse où il résidait, près de la chapelle Saint-Jacques ; sa sépulture serait marquée par deux pals en sautoir gravés sur un carreau.

Selon la tradition, c'est sous cette pierre qu'aurait été enseveli
Dominique Florentin
 La même tradition voit dans le Saint Jacques de cette même église un autoportrait. Cependant, aucune source ne permet de lui attribuer cette œuvre et de confirmer cette tradition. 

Saint Jacques de l'église Saint-Pantaléon de Troyes
À l'origine, cette statue était posée dans le retable de la chapelle Saint-Jacques
Cet artiste italien, polyvalent, connu comme stucateur, graveur, peintre et sculpteur sur le chantier de Fontainebleau ou pour le compte des Dinteville ou des Guise, a influencé l’Art de la Renaissance à Troyes. Sa réputation fut telle que les auteurs dès le XVIIIe siècle, tels Pierre-Jean Grosley, lui attribuèrent la majeure partie des œuvres classiques restées anonymes ou non attribuées à d’autres.

Les premières mentions de l'artiste en France

Un courant historiographique, repris par des auteurs très récents, voudrait voir arriver Dominique Florentin à Troyes dans les années 1530, et c'est de Troyes, accompagné de troyens, qu'il se serait rendu à Fontainebleau. Cependant une telle affirmation ne peut s’appuyer sur aucune source et reste une hypothèse bien fragile. En effet, les premières mentions connues de la présence en France de Dominique Florentin sont contenues dans les comptes des bâtiments du roi, sur le chantier de Fontainebleau. Il y est présent entre 1537 et 1540 et y effectue plusieurs campagnes. Pour constituer des équipes de travail, Rosso Fiorentino et Le Primatice avaient fait appel à un certain nombre de leurs compatriotes, sans doute parmi lesquels Dominique Florentin, renforcés d’équipes françaises, dont un contingent d’artistes et artisans de Troyes, avec lesquels il se lia d'amitié.

À Troyes, Dominique Florentin figure pour la première fois dans les archives en 1541. Il est parrain du fils du peintre Pierre Pothier. Cependant cet événement ne prouve en aucune façon qu’il réside à Troyes à cette date, tout juste qu’il s’y rend à cette époque. Mais cette mention illustre les relations étroites et d’amitié qu’il a nouées avec les troyens sur le chantier de Fontainebleau, et en particulier avec les membres de la famille Pothier dont François, Jehan et Colin. C’est à partir de 1543 que l’on trouve la preuve de sa domiciliation à Troyes. Dominique Florentin habite une maison qui lui vient de sa femme dans le quartier Saint-Pantaléon, rue de Montpellier. Ce n’est qu’à partir de 1548 qu'il figure dans les registres d’imposition de la ville. Il avait épousé Colette Valone ou Valon, à une date indéterminée, entre 1537 et 1543. Elle était veuve de Maurice Favreau, maître maçon à Troyes.

Un artiste travaillant au service du roi de France

À Fontainebleau Dominique Florentin aurait travaillé aux fresques de la Galerie François Ier dont la décoration était sous la responsabilité de Rosso Fiorentino. Est-ce lui qui le fit venir à Fontainebleau ? Tous deux sont originaires de la même région, Florence, nom qu’ils portent comme surnom, « Fiorentino », et Vasari rappelle l'estime du Rosso envers Dominique comme stucateur.


Fontainebleau, galerie François Ier
 À la mort du Rosso, en 1540, Dominique Florentin intègre sans doute l’équipe du Primatice. Il est mentionné comme peintre et imagier, et travaille à la décoration de bâtiments extérieurs du château.
Il est aussi connu en tant que remarquable graveur au burin. C’est sans doute là qu’il exécute la plupart de ses estampes. Selon Henri Zerner, « Il a su être l’interprète intelligent de Michel-Ange ou de Primatice. » Par ses estampes, avec Jacques Androuet du Cerceau et Marc Duval, il participe à la diffusion d’une esthétique créée sur le chantier royal, « l’École de Fontainebleau ». Il a répandu en particulier des modèles de grotesques de type italien et que l’on retrouve dans la décoration murale et l’art textile.

Au cours de l’année 1545, le Florentin séjourne à Rome, envoyé par François Ier et accompagné de Vignole. Le roi les chargea de réaliser des moulages en plâtre de plusieurs statues antiques destinées à être coulées en bronze pour Fontainebleau. À cette occasion, les deux artistes sont les hôtes de Raffaello da Montelupo, ancien collaborateur de Sansovino et de Michel-Ange. L’influence de cet architecte et la relation établie avec Vignole, excellent connaisseur de Vitruve et de l’architecture antique se retrouvera dans ses réalisations troyennes. Après ce voyage, il travaille de façon moins régulière à Fontainebleau. D'une part la mort de François Ier, en 1547, a ralenti considérablement les travaux du chantier, d’autre part, Fontainebleau ne sera plus le principal chantier royal. Dominique Florentin est encore quelquefois signalé à Fontainebleau, la mention la plus importante étant en 1561. Cette année-là, il y réalise neuf des vingt-quatre figures en bois pour le jardin de la reine.

Dominique Florentin travailla aux monuments funéraires d'Henri II, entre 1559 et 1565. Sur le dessin de Primatice, il réalisa le piédestal et le vase de cuivre pour le monument du cœur d’Henri II, au couvent des Célestins de Paris, en collaboration avec Germain Pilon qui sculpta le groupe des Trois Grâces. Il fit aussi le modèle en terre de la statue en cuivre du tombeau d’Henri II à Saint-Denis, cette dernière réalisée par Germain Pilon. Le roi, à genoux, prie sur la plateforme du monument funéraire.

Le piédestal du monument du cœur d'Henri II
conservé au Musée du Louvre
Le mécénat des Dinteville

  L’achèvement de la galerie François Ier à Fontainebleau et des principaux ensembles décoratifs du château allait laisser au Primatice et à Dominique Florentin un peu plus de temps pour répondre à des commandes privées.
  Au début des années 1540, Dominique Florentin réalisa pour l’église de Montiéramey un autel, aujourd’hui disparu. Cette l’abbaye était tenue par François II de Dinteville, évêque d’Auxerre. Il réalise pour le même mécène des gravures du martyr de saint Étienne ; au bas de la dalmatique que porte le protomartyr figurent les armoiries des Dinteville.

  Dès 1543, il est présent au château de Polisy, aux côtés du Primatice. Ce château fut érigé par Jean de Dinteville, ambassadeur pour François Ier en Angleterre. Devenu paralytique et impotent, celui-ci avait décidé de quitter la Cour et de se retirer dans ses terres. C’est dans ce château qu’il exposa le très célèbre tableau que Hans Holbein fit de lui, ''Les Ambassadeurs''. Dominique Florentin travailla au château à différentes dates entre 1544 et 1552.
  En 1552, 1553 et 1555, il acheta des terres à Montiéramey dont le payement s’était fait par l’intermédiaire de l’abbé, abbaye dirigée successivement par François II de Dinteville (1538-1554) et son cousin Joachim (1554-1566). Ainsi, Dominique Florentin s’établit en propriétaire terrien hors de la ville de Troyes mais sous la protection de ses mécènes.

Le mécénat des Guise

  Alors que Fontainebleau était dans sa plus grande période d’activité, Claude de Lorraine, duc de Guise, faisait édifier le château du Grand Jardin de Joinville, véritable petit palais de la Renaissance. Les travaux furent réalisés en deux campagnes entre 1533 et 1550. Le 12 avril 1550, mourrait le duc. Un véritable service funèbre royal lui fut rendu, à l’imitation de celui de François Ier à Saint-Cloud, en 1547. Le tombeau allait prendre cette dimension royale, s’inspirant des sépultures des souverains français. Sa réalisation en fut confiée au Primatice qui en fit les dessins. Ces principaux collaborateurs, Dominique Florentin et Jean Picard, assurèrent la réalisation des sculptures. Le monument funéraire fut achevé avant la fin de l’année 1552.

  Le 29 mars cette même année, le roi Henri II, alors à Joinville avec sa Cour, accordait à « Dominicque Rycouvry » ses lettres de naturalisation, en même temps que le neveu et la nièce du Primatice. L’année suivante, il répondait à la plus importante commande des Guise, la « grotte » de Meudon. C’était un vaste édifice abritant plusieurs fontaines, orné de sculptures, stucs et plafonds peints, ouvert de nombreuses arcades sur les jardins que dominait le château de Meudon. Lieux où l’on pouvait trouver la fraîcheur l’été, c’était aussi le musée privé du cardinal de Lorraine où il exposait ses collections antiques rapportées d’Italie, dont des bustes d’empereurs romains. D’après Vasari, c’est Domenico del Barbiere (Dominique Florentin) et Poncio Jacquio qui exécutèrent les sculptures, l’essentielle de celles-ci réalisées sans doute entre 1556 et 1557.

Le Florentin, maître d’œuvre et architecte à Troyes

  C’est à Troyes que l'artiste s’affirme en tant qu’artiste indépendant, se libérant de la tutelle de Primatice. Les premiers travaux qu’on puisse lui attribuer dans la ville sont éphémères. Il dirige en 1548 les ouvrages réalisés pour l’entrée d’Henri II à Troyes. Dans le contrat, qu’il signe « Domenico Fiorentino », il est qualifié d’ ymagier et painctre. Il conçut pour l’occasion et dirigea la réalisation de tous les décors qui ornaient les rues dans lesquelles le roi devait passer. Pour la première fois pour une entrée royale à Troyes furent érigés des arcs de triomphe, ornés de festons et de sculptures.
  C’est à nouveau à Dominique Florentin que fait appel la municipalité pour réaliser les décors de l’entrée de Charles IX. Il y travaille de novembre 1563 à mars 1564.


Le jubé de Saint-Etienne de Troyes
Gravure de Patte publiée dans les Ephémérides troyennes pour l'an de grace M.DCC.LXI.
éditées par P.J.Groley
 Voir la reconstitution 3D du jubé réalisée par Okénite Animation dans le cadre de l'exposition "Le Beau XVIe siècle. Chefs d'œuvres de la sculpture en Champagne du 18 avril au 25 octobre 2009" : http://www.sculpture-en-champagne.fr/video.php

 Le jubé de la collégiale Saint-Étienne est la première grande réalisation qui lui est personnellement connue et les sculptures qui en subsistent sont les seules qui, dans la région troyenne, puissent lui être attribuées sans contestation possible.
Les arcs de triomphes qu’il avait érigés pour l’entrée de 1548 avaient-ils servi de modèles grandeur réelle pour de nouvelles commandes ? De fait un an après l’Entrée Royale, le 29 octobre 1549, les chanoines de Saint-Étienne lui commandèrent un projet pour le jubé de leur église. Le travail dut être achevé en août 1550. Le Jubé, aujourd'hui disparu se présentait comme un véritable arc de triomphe à trois arches. Il était décoré des statues de la Foi et de la Charité sur les côtés de l’entablement (aujourd'hui déposées dans le chœur de l'église Saint-Pantaléon), et sur le fronton le Christ en croix, en bois avec de part et d'autre la Vierge et de saint Jean en pierre (toutes deux conservées au musée du Vauluisant de Troyes). Sur la corniche, quatre bas-reliefs représentaient des scènes la vie de saint Etienne (conservés dans l'église de Bar-sur-Seine).  

La Charité de Dominique Florentin
pour le jubé de Saint-Etienne de Troyes
Conservée à l'église Saint-Pantaléon de Troyes
La Foy de Dominique Florentin
pour le jubé de Saint-Etienne de Troyes
Conservée à l'église Saint-Pantaléon de Troyes


   On lui attribue d'autres commandes similaires, s’inspirant elles aussi de la structure des arcs triomphaux. Tout d’abord le portail occidental de l’église de Saint-André-les-Vergers (en 1549), le portail nord de Saint-Nizier de Troyes (daté du règne de Henri II : 1547-1559), auquel a collaboré son gendre Gabriel Favereau, et enfin le portail méridional de Saint-Nicolas (1551-1554). Pour ce dernier, le maçon Jehan Faulchot en est l’exécutant. Le sculpteur François Gentil en réalisa les statues. Cependant aucune source ne peut confirmer ces attributions à Dominique Florentin.

Dès 1548, Dominique Florentin apparaissait aussi comme maître maçon et à ce titre il travailla sur les chantiers troyens. Au début des années 1550, il est à Saint-Étienne à divers travaux de maçonnerie. Il rétablit des tombes, répare du pavé et des marches dans l’église. On le voit encore œuvrer pour la ville.

Pour aller plus loin :

- Babeau, Albert, Dominique Florentin, sculpteur du seizième siècle, Réunion des Sociétés des Beaux-Arts des département, Paris, Plon, 1877

- Boudon-Machuel, Marion, « Dominique Florentin : l’œuvre sculptée en Champagne », Catalogue de l’exposition Le Beau XVIe siècle. Chef-d’œuvre de la sculpture en Champagne, Hazan-Conseil Général de l’Aube, 2009, p.200-211

- Boudon-Machuel, Marion, Des âmes drapées de pierre. Sculptures en Champagne à la Renaissance, Collection "Renaissance", Presses Universitaires de Rennes et Presses Universitaires François-Rabelais, 2017.

- Bresc-Bautier, Geneviève, « Les sculpteurs de Primatice », Primatice. Maître de Fontainebleau, Josette Grandazzi (éd.), Paris, Réunion des Musées Nationaux 2004, p.31-32.

- Galletti, Sara, La chiesa di Saint-Nicolas di Troyes (Aube, France) : dal cantiere tardogotico al portale rinascimentale di Domenico del Barbiere, mémoire de Laurea soutenu à l’Istituto Universitario di Architettura de Venise en juillet 1999.

- Galletti, Sara, « L’architecture de Domenico del Barbiere : Troyes, 1548-1552 », Revue de l’Art, n° 136, 2002, p.37-54.

- Hany, Nicole, « Dominique Florentin et la Renaissance Italienne à Troyes. La peinture sur verre entre 1530 et 1580 », La Vie en Champagne, décembre 1977, p.5-12

- Nany, Nicole, « Dominique Florentin : nouveaux documents d’archives troyens. Ses travaux pour le mausolée de Claude de Lorraine à Joinville », dans La Haute-Marne et l’Art. Peintres, sculpteurs haut-marnais du XVIe siècle à nos jours. Recueil des communications présentées aux Journées haut-marnaises de l’art et d’histoire (Chaumont, 27-28 mars 1982), p.19-32.

- Prévost, Arthur, « Note sur Dominique Florentin sculpteur », Annuaire administratif, statistique et commercial du département de l’Aube pour 1931, Troyes, Bouquot, 1931, p.37-38.

- Provence, Jacky, « Dominique Florentin, un état de la question », La Vie en Champagne, juillet-septembre 2005, n°43, p.55-65

- Turquois, Michel, « Repères chronologiques sur la vie de Dominique Ricouvri, dit Le Florentin (né vers 1505 - mort en 1570 ou 1571) », Le Beau XVIe siècle Troyen, Centre troyen de recherches et d’Histoire Pierre et Nicolas Pithou (Centre Pithou), Troyes, 1989

- Vasari, Vie des peintres, sculpteurs et architectes, trad. Leclanché, Paris, 1839, tome V, p .83.

- Wardropper, Ian, The Sculpture and Prints of Domenico del Barbiere, Thèse de doctorat, New York University, Institute of Fine Arts, 1985

- Wardropper, Ian, « New attributions for Domenico del Barbiere’s jubé at Saint-Etienne, Troyes », Gazette des Beaux Arts, octobre 1991, p.111-128.

- Wardropper, Ian, « Le mécénat des Guises. Art, religion et politique au milieu du XVIe siècle », Revue de l’Art, n° 94, 1991, p.27-44.

- Zerner, Henri, L’Art de la Renaissance en France. L’invention du classicisme, Paris, Flammarion, 1996.

mercredi 17 novembre 2010

Les œuvres de Champagne méridionale à l'exposition "France 1500, entre Moyen-Âge et Renaissance".

  Cinq œuvres de Champagne méridionale sont actuellement présentées à Paris, à l'exposition "France 1500, entre Moyen-Âge et Renaissance", qui se tient aux Galeries Nationales du Grand Palais du 6 octobre 2010 au 10 janvier 2011. Elle sera ensuite présentée à l’Art Institute of Chicago, du 26 février au 29 mai 2011. Cette exposition organisée par la Réunion des Musées Nationaux et l’Art Institute of Chicago, réalisée avec la collaboration du musée du Louvre, du musée de Cluny – musée national du Moyen Age et du musée national de la Renaissance, château d’Ecouen, avec le concours exceptionnel de la Bibliothèque nationale de France.
À travers plus de 200 œuvres magistrales et grâce à des études récentes, l’exposition permet donc de brosser un tableau plus juste de ce moment où la France se trouve à la croisée de nombreux chemins, tout en interrogeant les notions de tradition et de mouvement, de continuité et de rupture.

 Deux œuvres sculptées attribuées au "Maître de Chaource" sont présentes dans cette exposition, la Sainte Marthe de Sainte-Madeleine de Troyes, sur laquelle je ne reviendrais pas (voir ici : la sainte Marthe) et la Vierge de Pitié de Bayel.

La Vierge de Pitié de Bayel


Une troisième sculpture provient de la collégiale de Mussy-sur-Seine, le Christ de Pitié. Il porte la date de 1509.

Le Christ de Pitié de Mussy-sur-Seine

Deux panneaux du vitrail très original des "Triomphes de Pétrarque" de l'église d'Ervy-le-Châtel, datant de 1502, ceux du "Triomphe de la Chasteté" et de le "Tromphe de la Mort" illustrent le thème et variation de la partie "Permanence et renouvellement de l'iconographie" :  "Gloire et Folie. Des dieux, des jeux et des hommes". 

Enfin, les émaux représentant Huit scènes de la vie de saint Loup qui provenaient de la chasse de saint Loup et déposés aujourd'hui au trésor de la cathédrale de Troyes, sont présentées dans la partie "émaux peints". Cette chasse avait été commandée par Nicolas Forjot, abbé de Saint-Loup, et consacrée en 1505.

vendredi 9 juillet 2010

Le double encorbellement en Champagne méridionale

   L’encorbellement est une construction en saillie du plan vertical d’un mur, sur le prolongement des solives du plancher intérieur ou des sommiers. A Troyes, il était couramment admis que le double encorbellement était une technique de construction qui permettait d'identifier des maisons qui préexistaient au grand incendie de 1524.

 La maison en encorbellement s’est développée à partir du XIVe siècle. On a souvent expliqué le développement de l’encorbellement pour des avantages en matière d'occupation du terrain et de gain d'espace au sol qu'il pouvait procurer ; il est aussi souvent avancé qu'il se serait développé pour des raisons fiscales, permettant de gagner de la surface tout en gardant la même taxe, celle-ci prélevée sur la surface au sol. 

 Or l'encorbellement se développe aux XIVe et surtout XVe siècle, à une période de l’histoire où les pressions démographiques dans les villes et, par conséquent, la pression fiscale, deviennent moins importantes. Pestes, guerres et famines avaient provoqué une forte baisse de la démographie et vidé les villes de la région. L'exemple de Bar-sur-Seine (étudié par Michel Belotte dans sa thèse La région de Bar-sur-Seine à la fin du Moyen-âge, du début du XIIIe siècle au milieu du XVIe siècle, 1973) est particulièrement révélateur. Entièrement ruinée en 1475, la nécessité de reconstruire et de remettre en valeur les parcelles dévastées de la ville favorisait un réaccensement plus faible pour le reprenneur. La misère de la population avait abouti à de nouveaux accensements afin de favoriser la reconstruction.  Aussi, l'exemple de Bar-sur-Seine montre bien que le développement de la construction en encorbellement n'est pas le résultat d'une pression fiscale plus forte, bien au contraire.

 S’il est des raisons qu’il faudrait sans doute retenir c’est d’une part que l'encorbellement protège du ruissellement des eaux de pluie le ou les niveaux inférieurs de la façade, cause principale de la dégradation du bois et du torchis. Le double encorbellement résultait sans doute de cette recherche pour augmenter la protection de la façade. L'étage supérieur était bien protégé par un imposant pignon avec ferme d'avant-toît, les étages suivants par les deux encorbellements successifs.

 D’autre part, les pièces de bois de longue et large section seraient devenues plus rares à la fin du XIIIe siècle. L'expansion agricole qu'a connu l'Occident entre le Xe et le XIIIe siècle s'est traduite par les "Grands défrichements". La haute futaie serait devenue plus rare au terme de cette période. Dans les constructions à bois longs, les pièces de bois, montants de la structure, sont continues du sol à la toiture ; dans les structures à bois courts, elles font la hauteur d’un étage.  La technique de construction en bois longs limitait aussi la hauteur des maisons à la longueur des pièces de bois, contrairement aux bois courts qui permettaient une meilleure superposition des étages : la hauteur de la maison n'était plus limitée par celle des pièces de bois.  

  Par ailleurs, la mise en œuvre des bois longs était techniquement plus difficile, en particuliers pour les pièces de bois d’angle, de très forte section et très lourdes.

  Enfin, il semblerait qu'à partir de cette époque, le sciage va remplacer l'ancienne technique de débitage des pièces de bois, l'équarrissage. Le sciage permettait une exploitation plus rationnelle de la bille de bois, réduisant les déchets.



 A Troyes, il ne subsiste plus qu’une seule maison à double encorbellement du XVIe siècle, au n°50 de la rue Kléber (ci-dessus), restaurée par le Me Charpentier Jean-Louis Valentin.


 Ce dernier a créé une nouvelle façade à double encorbellement pour la rénovation d’une maison place du Marché au Pain (ci-dessus). Un tel double encorbellement quartier Saint-Jean n’est pas incongru. Il en existait encore au XIXe siècle dans un îlot très proche de la place du Marché au Pain, sur l’ancienne place de la Charbonnerie, aujourd’hui disparue. 


Place de la Charbonnerie, fusain (musée de Troyes)

 La connaissance de l’existence de cette maison à double encorbellement place de la Charbonnerie, attestée par plusieurs documents, permet de remettre en cause le fait que les maisons à double encorbellement dateraient des XIVe et XVe siècle et qu’au XVIe siècle, en particulier après le grand incendie de 1524 qui réduisit en cendres un quart de la ville, on ne ferait plus que des maisons à un seul encorbellement. Cependant, cette maison de la place de la Charbonnerie est placée au cœur du secteur qui fut ravagé par l’incendie ; par conséquent, elle était postérieure à 1524, à moins que par miracle, elle ait subsisté à l'incendie.


 L’exemple Barséquanais vient apporter de nouveaux arguments en ce sens. En 1475, alors aux mains des Bourguignons, la ville fut, selon les chroniqueurs de l’époque, entièrement détruite par les troupes royales. Il existe un certain nombre de maisons à double encorbellement à Bar-sur-Seine. Seraient-elles des reliques de la ville d’avant sa destruction, ou des reconstructions de la fin du XVe siècle ? Or il se trouve que l’une d’elle est datée de la fin du XVIe siècle (années 1580).


 Chaource est aussi une petite ville où l’on trouve des maisons à double encorbellement. Ce double encorbellement peut s’expliquer par le fait que le premier encorbellement vient en aplomb au-dessus des "allours", galeries couvertes placées sous le premier étage.





jeudi 17 juin 2010

Sainte Marthe de l'église Sainte-Madeleine de Troyes, œuvre du Maître de Chaource



Sainte Marthe de Sainte-Madeleine de Troyes

    Sainte-Madeleine ou Sainte-Marthe ? 

    La question fait débat depuis la fin du XVIIIe siècle. Les commentaires les plus récents et les plus nombreux y voient Sainte-Marthe. Véronique Boucherat, dans le catalogue de l'exposition Le Beau XVIe siècle. Chefs d'œuvre de la sculpture en Champagne (Hazan, 2009, p.165), dans son article sur le Maître de Chaource, identifie bien cette sainte. À contre-courant, suivant Charles Fichot et le chanoine dijonnais Morillot, Jean-Luc Liez y voit Marie-Madeleine portant un encensoir (Fraises, pourpoints, vertugadins et escoffions. Le costume du XVIe siècle dans la sculpture champenoise. Livret du Visiteur, p.11). Ses principaux arguments sont que l'on aurait mal identifié sur cette sculpture un certain nombre d’attributs.


Le seau d'eau bénite portant les traces de la croix disparue

    Le vase qu'elle tient ne serait pas un seau d'eau bénite mais un vase de braises "semblable aux couvets utilisés par tant de Troyennes à cette époque", sur lesquelles la sainte égrainerait l'encens à l'aide d'un bâtonnet. J'avoue ignorer ce qui fait dire que les Troyennes étaient si nombreuses à avoir un couvet semblable. 

Qu'est-ce qui a permis à Charles Fichot d'affirmer une telle chose ? Des représentations de Troyennes portant un tel couvet, dans l’art de l’époque, seraient-elles si nombreuses ?

    Rien ne permet, non plus, d'affirmer qu'elle tienne un bâtonnet entre les doigts de sa main gauche avec lequel elle égrainerait de l’encens. Il est difficile d’imaginer un tel geste, il serait incohérent, la sainte portant par l'anse passée au poignet gauche le couvet et de la même main le bâtonnet pour égrainer l'encens. Auquel cas : où tiendrait-elle l'encens, puisque la main droite tient fermement un autre objet, un objet cylindrique ne ressemble en rien à de l’encens, conditionné en grains de résine. Bref, une telle affirmation ne tient pas face à une simple analyse critique.

    Suivant le chanoine Morillot, Jean-Luc Liez pense que la sainte aurait sur la main gauche une mitaine qui la protégerait de la chaleur du vase à braise. Cependant, des photos prises en gros plan de la main gauche sous divers angles permettent non pas d'identifier une mitaine mais bien quelque chose de plus étroit et épais, une sangle ou courroie. Par ailleurs, la courroie ne couvrant que sur une étroite largeur la main, celle-ci ne peut être quelque chose destiné à la protéger de la chaleur des braises. Un trou est visible dans la courroie ; s'agirait-il du trou de l'aiguille de la boucle de la ceinture de la sainte ? Cette courroie fait le tour de la main et vient repasser par dessous le pouce. De plus, pourquoi porter une mitaine pour se protéger de la chaleur alors qu'elle ne tient pas à la main l'ance du vase à braise mais que celle-ci est portée par le poignet de la sainte. Ainsi, plus qu’une mitaine, qui serait de fait fort étrange, elle semble bien tenir fermement une sangle de sa main gauche.



Détail de la main gauche de sainte Marthe

    En fait, une telle attribution pose beaucoup plus de questions et de problèmes qu'elle n’apporte de résolution incontestable. Par ailleurs, l'auteur se détache fort du texte de celui dont il prétend, pourtant, suivre les arguments irréfutables. Charles Fichot décrit le geste de la sorte : "Une chaufferette, dont l'anse est passée dans le poignet du bras gauche, contient des charbons ardents ; de ses deux mains, Madeleine brise un petit bâton aromatique, dont les esquilles, en tombant sur le feu, doivent répandre dans la grotte une odeur agréable et pénétrante" (Charles Fichot, Statistiques monumentales du département de l'Aube, 1900, t.IV, p.211). Bâton aux aromates qu'elle briserait ou bâton pour égrainer l'encens ? J'avoue que Jean-Luc Liez tout en donnant les références des ouvrages desquels il est sensé puiser ses arguments utilise ceux-ci avec fort grande légèreté et liberté d'interprétation. Par ailleurs, si comme le dit Fichot c'est un vase de braise qu'elle porte, cette représentation s'éloignerait des Écritures car la Madeleine qui se rend au tombeau tenait un vase à onguent.

    Il existe un autre détail important que le chanoine Morillot comme Jean-Luc Liez ont ignoré ou n'ont pas vu, et pourtant sur lequel s’est attardé l’abbé Nioré ("La statue de sainte Marthe dans l'église Sainte-Madeleine de Troyes", Mémoires de la Société académique de l'Aube, année 1904, p.250-283), article rédigé en réponse de celui du chanoine Morillot. La sainte tient bien fermement quelque chose dans la main gauche. Aujourd'hui, l'objet a disparu mais a laissé le trou dans lequel il devait être glissé et que l'on distingue bien lorsque l'on se place juste en-dessous de cette main. Cet objet devait se prolonger vers le bas ; une entaille sculptée est visible sur le seau dans l'axe de ce trou. Quel objet devait bien tenir ainsi la sainte ? S'il s'agissait d'une croix, on pourrait alors incontestablement identifier sainte Marthe, la croix étant l'un de ses attributs.


Gros plan sur l'emplacement de la croix

    Cette légèreté de l'argumentation de notre auteur se retrouve dans la récusation qu'il fait de la longue démonstration de Charles Nioré. Ce dernier ne s'appuierait, en particulier, que "sur le nom inscrit sur le socle mentionnant Marthe, sans s'interroger sur un possible repeint postérieur au XVIe"... "Possible repeint" : voilà donc une belle preuve d'incertitude, ignorant totalement toutes les pages solidement critiques de l'abbé Nioré, et fort convaincantes lorsqu'il révèle les erreurs grossières commises par Morillot. 

    Jean-Luc Liez en vient ensuite à une hypothèse fort hardie : "la statue devait appartenir à une Mise au tombeau non localisée à ce jour", affirmation fort hasardeuse appuyée de quelques mentions anciennes qui ne sont en aucun cas des preuves, juste des éléments éparses et relativement fragiles, assemblés pour étayer l’hypothèse. Un regard un peu plus attentif posé sur cette statue permet de se rendre clairement compte que celle-ci n'a pas été conçue pour appartenir à un groupe sculpté et en tout état de cause une mise au tombeau. Si véritablement elle devait figurer dans une telle mise en scène, le bas de sa robe aurait été caché par le tombeau et n'aurait pas été sculpté avec autant de précision et de qualité. Il suffit d'aller vérifier à Chaource. Et que dire alors de la précision de son pied et de la sandale ? Il est indéniable qu'elle a été sculptée comme une statue indépendante et n'appartenant pas à un groupe. Il s’agit même d’une ronde-bosse, les plis du manteau dans le dos sont particulièrement soignés. Enfin, dans tout le corpus des mises au tombeau ou des représentations de la sainte à cette époque et dans la région, jamais Marie-Madeleine n'est représentée portant un vase à braises égrainant l'encens ou rompant un bâton aromatique, mais avec un vase aux onguents duquel souvent elle ouvre le couvercle. Ce qui est beaucoup plus conforme, d’ailleurs, aux Écritures à une époque où l'on y est très attentif.


Sainte Marthe de profil

       Je me tiendrai donc à voir en cette statue sainte Marthe.

   La légende raconte que Marthe, Marie-Madeleine, Lazare et d'autres saints, jetés par des Juifs en Palestine dans un bateau sans voile ni rame, auraient accosté en Camargue vers l'an 48. Marthe remonta le Rhône et arriva à Tarascon où sévissait un monstre : la Tarasque. Elle dompta la bête brandissant la Croix et l’aspergeant d’eau bénite, lui passa sa ceinture au cou et la ramena au village.

  Cette sculpture est reconnue comme étant l’un des plus grands chefs d’œuvres de la sculpture Troyenne du début du XVIe siècle, au point d'être une œuvre de référence, celle de « l'atelier de la sainte Marthe », identifié par ailleurs comme étant aussi celui qui réalisa la Mise au Tombeau du Sépulcre de Chaource, et appelé plus couramment aujourd'hui « atelier du maître de Chaource ». Pourtant, Charles Fichot, auteur ayant la préférence de Jean-Luc Liez, l'attribuait sans trop d'hésitation à François Gentil. Dans le premier cas, cette œuvre serait alors de la première moitié du XVIe siècle ; dans le deuxième cas de la seconde moitié. 

  Le corps de la sainte est entièrement enveloppé par le manteau à capuchon qui tombe jusqu’au sol. D’un pli de l’étoffe formé au contact du sol émerge un pied dans une sandale. Le manteau est maintenu sur les épaules par une bride semblable à celle de la Vierge de Chaource. Sous le capuchon, elle porte un bonnet, attaché sous le menton par deux brides, mis par-dessus un voile. Ainsi son visage semble encadré d’un triple voile. Autres traits similaires aux Saintes Femmes du Sépulcre de Chaource, le visage : de forme plutôt triangulaire, aux traits réguliers, les paupières baissées, les arcades légèrement relevées et le nez à arêtes droites, une bouche fine et un menton court. Les visages sont très proches et paraissant sortir du même ciseau.



Sainte Marthe de Sainte-Madeleine de Troyes et la Vierge du Sépulcre de Chaource

   Sous son manteau, elle porte une robe à larges manches serrées aux poignets ; serrée au col, elle forme sur la poitrine un éventail de petites fronces. Malgré la simplicité du vêtement, elle exprime une certaine noblesse et gravité. La polychromie renforce cette impression - mais est-elle d'origine ? Lorsque que l’on se place dans l’axe de son regard, on sent en elle la détermination et la force de la Foi. Elle tiendrait donc de la main droite l’aspersoir dont elle vient de se servir ou qu’elle s’apprête à utiliser et de la main gauche la croix et la courroie de sa ceinture, l’anse du seau d’eau bénite passée à ce poignet.


   Reste à savoir quel moment précis est représenté. Tient-elle déjà attachée à sa ceinture la Tarasque qu’elle vient de dompter ? Observe-t-elle l'accomplissement du miracle, alors qu’elle vient d’asperger la bête, attendant de lui passer sa ceinture autour du coup ? Cette seconde solution permettrait d’expliquer l’absence de la bête qui, dans le corpus, est presque toujours représentée au pied de la sainte et dont aucune trace ici ne subsiste, à moins qu’elle ait été sculptée détachée de la sainte mais, dans un tel cas, l’équilibre de cette sculpture en ronde-bosse en serait modifié.

Au regard des dernières recherches et publications, le "Maître de Chaource" serait Jacques Bachot : 
Julien Marasi, Le Maître de Chaource, découverte d'une identité. Catalogue raisonnéPréface Geneviève Bresc-Bautier, Troyes, Commune de Chaource et Centre troyen de recherche et d'études Pierre et Nicolas Pithou, 2015, ISBN 978-2-907894-62-3


Sainte Marthe semblant contempler l'action de l'eau bénite sur la Tarasque

samedi 12 juin 2010

Le Jubé de Sainte-Madeleine de Troyes

 

 Jean Gailde, ou Guailde, maître-maçon, fut le maître d’œuvre du jubé de l’église Sainte-Madeleine de Troyes. Commencé en 1508, l’Évangile est lue depuis la tribune la veille de Noël 1512 ; il est officiellement inauguré le jour de Noël 1517.

  Le jubé de Sainte-Madeleine est un chef d’œuvre de l’Art flamboyant. Il est formé trois arches de taille égale formant comme un pont aérien entre deux piliers massifs, masqués à l’intérieur de deux fausses tentures sculptées et peintes d’étoiles d’or sur fond vert. Les trois arcades sont ornées de festons trilobés se terminant en fruit d’arum.

  Un jubé est un édifice de pierre ou de bois construit entre le chœur et la nef d’une église. Il tient son nom du premier mot de la formule latine « jube, domine, benedicere » (« daigne, Seigneur, me bénir ») qu'employait le lecteur avant les leçons de Matines.

  Le jubé se compose de trois éléments : la tribune (le jubé proprement dit), la clôture (dite « chancel ») et le groupe sculpté de la crucifixion.
    - De la tribune on lisait l'Évangile et on prêchait. On y installait aussi les chœurs ; un orgue portatif pouvait y être installé.
    - La clôture, ou chancel, avait pour fonction d'isoler le chœur, réservé aux membres du clergé, des fidèles qui, du fait de sa présence voyaient peu ou pas du tout le maître-autel et par conséquent leur masquait le mystère de la consécration du pain et du vin
    - La crucifixion surmonte la tribune dont elle est l'ornement principal, tourné vers les fidèles.

    Au centre, les voûtes retombent portées par deux clefs pendantes semblant les suspendre dans le vide, et s’ancre aux extrémités sur les piliers.


Une clef pendante du jubé.

  Les arcades sont encadrées de quatre dais flamboyants au-dessus de niches vides qui devaient être occupées par des statues posées sur des culots. Les dais se prolongent sur les piliers au niveau de l’architrave et de la balustrade par d’autres dais et des motifs flamboyants.

  Côté chœur, des écus sont placés au-dessus des arcades. 
Celui du centre porte les initiales « SM », pour Sainte Madeleine ; de chaque côté, figurent les armes de France surmontées d’une couronne. 
 Le dessous du jubé est constitué de petites voûtes à trois ogives séparées par des clefs pendantes.
  Le jubé est couronné d’une corniche ornée de feuillages, surmontée d’une balustrade à fleurs de lys et à mouchettes, ajour au tracé asymétrique évoquant une flamme.

  La balustrade supporte un ensemble de statues : au centre le Christ en croix en bois, à gauche Jean l’Évangéliste et à droite Marie.


Christ en Croix du Jubé de la Madeleine de Troyes.


Vierge au calvaire du jubé.

  Au-dessus de chaque arcade, des cadres en forme de pentagone aux bords concaves contiennent des quadrilobes dans lesquels ont été sculptés des personnages. Dans celui du centre, Jésus Christ est représenté tourné vers le quadrilobe de gauche où deux femmes l’écoutent assises. Dans le dernier quadrilobe, deux hommes sont représentés dans la même attitude que les femmes. Les sculptures auraient été mutilées à la Révolution française et les têtes ont été refaites en plâtre, ce qui ne permet pas d’apprécier la qualité du travail de Nicolas Halins dit le Flamand, auteur de ces sculptures, les « les trois ymages en rondeaulx » qu’il réalisa en 1513. 


Dans le pentagone aux côtés concaves : un relief de Nicolas Halins.

   Pierre-Yves Le Pogam (musée du Louvre) donne une nouvelle interprétation à cet ensemble sculpté, au regard d’un passage dans les Évangiles de saint Luc (10, 38-42) et de saint Jean (12, 1-8). Il pourrait représenter le Christ demandant l’hospitalité à Marthe et Marie-Madeleine, deux sœurs. Les hommes, dans le quadrilobe de droite pourraient être Lazare et un apôtre, attendant le repas. Marthe préparerait le repas et Marie, écouterait le Christ, opposant vie active et vie contemplative. Cette interprétation est liée au vocable de l’église (Marie-Madeleine) ; par ailleurs, sur le pilier de droite qui fait face au jubé est placée la statue de sainte Marthe, rappelant ce lien avec Marie-Madeleine.


Le jubé côté chœur.