« C’était comme si le monde entier se libérait, rejetant le poids du passé
et se revêtait d’un blanc manteau d’églises. »
Est-ce à la suite de cette très célèbre citation de Raoul
Glaber, si souvent répétée, que nous avions pris l’habitude de penser que nos églises
étaient blanches ? Ce moine, né en 985 en Bourgogne et mort après 1047, chroniqueur
de l'an Mil, commentait de la sorte, et sans aucun doute de façon métaphorique, la fièvre bâtisseuse qui avait frappé l’occident :
« Trois années
n’étaient pas écoulées dans le millénaire que, à travers le monde entier, et
plus particulièrement en Italie et en Gaule, on commença à reconstruire les
églises, bien que pour la plus grande part celles qui existaient aient été bien
construites et tout à fait convenables. Il semblait que chaque communauté
chrétienne cherchait à surpasser les autres par la splendeur de ses
constructions. »
Et pourtant, ces églises n’étaient- elles pas peintes ?
La redécouverte de la polychromie sur les façades
comme à l’intérieur des églises remonte à quelques décennies. Sondages et mises
en valeur prirent une dimension quasi systématique lors de restaurations lorsque Jean-Michel Musso, architecte en chef des monuments historiques, eut la charge des
départements de l’Aube, de la Haute-Marne et de la cathédrale de Reims entre
1979 et 1998.
Matei Lazarescu a montré l’intérêt de tels sondages à la
chapelle templière d’Avalleur.
L’église de Chaource est un très bel exemple et offre une
variété de ces peintures murales entre le XIIIe siècle, décor simple
soulignant l’architecture du chœur d’inspiration cistercienne, et le XVIe
siècle, avec sa peinture généalogique unique, dans la chapelle des Monstier, ou encore les peintures complétant le programme ornemental de la chapelle du
Sépulcre.
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Chaource, décor peint du chœur |
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Chaource, chapelle des Monstier (détail) |
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Chaource, décor de la voûte du Sépulcre (détail) |
Combien d’églises, aujourd’hui, redécouvrent ces décors trop
longtemps oubliés ?
Dans un mémoire de Master, suivi de différents articles,
Clara André a mis en valeur ce patrimoine unique, mais fragile et menacé [1]. Il
suffit de visiter l’église de Bar-sur-Seine pour s’en rendre compte. Dans
certaines chapelles, les désordres de la structure architecturale ont provoqué
d’importantes infiltrations. L’humidité a « lavé » le badigeon
laissant apparaître sur les voûtains des peintures jusque-là masquées mais condamnés de ce fait à la disparition sans intervention.
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Bar-sur-Seine, décor peint révélé par l'humidité |
De quand datent ces badigeons ?
Au hasard d’explorations dans les archives et plus
particulièrement dans les registres de l’église Saint-Rémi de Troyes, je suis tombé sur une mention fort intéressante et permettant de nous renseigner
sur ce sujet.
L’an 1782, le 21 avril, à l’issue de la grande messe, le
conseil de la fabrique se réunit. Deux peintres italiens lui furent
présentés : Carlo Branca et Polini. Ceux-ci, après avoir examiné
l’église, proposèrent de la reblanchir « en couleur de pierre, de la
regrayer, repeindre les saints de la même manière », comme cela avait été
fait en l’église Saint-Pierre (la cathédrale). Le travail serait rémunéré 450
livres tournois à la réception des ouvrages qui devaient se terminer dans les
trois mois.
Le 1er mai 1782, les deux peintres faisaient savoir qu’ils
renonçaient à réaliser ce travail par crainte de plaintes et oppositions de la
communauté des maîtres torcheurs de la ville. Le sieur Jean Dominique, maître
maçon en plâtre, accepta aussitôt de reprendre le marché qui avait
été fait aux deux italiens.
Ainsi, il semblerait que la cathédrale ait donné l’exemple
dans le blanchiment de son intérieur, « avec les saints », c'est-à-dire
les statues qui l’ornaient.
Resterait à vérifier dans les registres de la fabrique de la
cathédrale et dans d’autres registres si le blanchiment des églises fut général
à partir de cette date.
Affaire à suivre...
Affaire à suivre...
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[1] Clara André, petite bibliographie :
Les peintures murales du XVIe siècle dans les églises de la Champagne méridionale. Caractéristiques et identité, Mémoire de master professionnel Expertise et Protection du Patrimoine culturel et textuel, Centre universitaire de Troyes, 2007.
Les peintures murales du XVIe siècle dans les églises de la Champagne méridionale – Circuit découverte, 2008.
Les peintures murales de l’Aube : panorama des décors peints de nos églises du XIIe au XXe siècle, édité par l’Académie Troyenne d’Études Cartophiles (ATEC), novembre 2013.
« Bilan historiographique des peintures murales dans l’Aube », La Vie en Champagne, n° 79, 2014, p. 4-13.
« Avirey-Lingey : redécouverte et renaissance des peintures murales de l’église Saint-Phal », La Vie en Champagne, n° 79, 2014, p. 66-72.
[1] Clara André, petite bibliographie :
Les peintures murales du XVIe siècle dans les églises de la Champagne méridionale. Caractéristiques et identité, Mémoire de master professionnel Expertise et Protection du Patrimoine culturel et textuel, Centre universitaire de Troyes, 2007.
Les peintures murales du XVIe siècle dans les églises de la Champagne méridionale – Circuit découverte, 2008.
Les peintures murales de l’Aube : panorama des décors peints de nos églises du XIIe au XXe siècle, édité par l’Académie Troyenne d’Études Cartophiles (ATEC), novembre 2013.
« Bilan historiographique des peintures murales dans l’Aube », La Vie en Champagne, n° 79, 2014, p. 4-13.
« Avirey-Lingey : redécouverte et renaissance des peintures murales de l’église Saint-Phal », La Vie en Champagne, n° 79, 2014, p. 66-72.
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