samedi 18 mars 2017

Aux origines du château de Vaux...

Aux Journées Européennes du Patrimoine 2004, le château de Vaux était ouvert pour la première fois au public, l'espace d'un week-end, par les soins de l'association « Patrimoine Barséquanais ». À cette occasion, j’avais rédigé une petite notice à l’attention des visiteurs, un peu corrigée depuis.

Château de Vaux

Cette histoire nous plonge dans les puissantes familles de la noble-bourgeoisie troyennes du XVIe siècle, qui avaient manifesté leur ascension dans la noblesse de robe au service du roi en la réalisation de châteaux dans leurs domaines de campagne. La famille d’Aubeterre et le château de Vaux en sont une des manifestations les plus remarquables.    

Au XVIe siècle, les d’Aubeterre furent seigneurs de Vaux à partir de 1570 ; Jean d’Aubeterre est mentionné propriétaire du vieux château à cette date. Les d’Aubeterre étaient des « nobles-bourgeois troyens », alliés à d’autres puissantes familles de cette ville telles que les de Pleurs, les Mauroy et les Mesgrigny. Jean d’Aubeterre fut échevin puis maire de la ville de Troyes en 1588.

À l’origine, Vaux n’était qu’une simple grange qui devint ensuite une véritable maison seigneuriale. Nous n’avons pas de descriptions de ce « vieux château » avant le XVIIe siècle. 

Jean-Baptiste, petit-fils de Jean, obtint en 1631 de l’évêque René Breslay l’autorisation de faire célébrer la messe dans la chapelle érigée dans le château [1], moyennant quelques conditions : 

« qu’elle soit en lieu [   ] et hors des offices dud. logis, qu’il n’y ait dessus, à costé, dessous, chambres, escuries, pourcerie, sommellerie, buchers ou autres offices dont l’on se sert ordinairement pour la commodité des logis. Et aussi quelle soit parée, ornée d’autel commode et de pierre consacrée... »

Jean-Baptiste d’Aubeterre rencontra de lourdes difficultés financières, ne parvenant à rembourser une créance de 2400 livres à Jean Le Mairat, seigneur de Droupt-Saint-Basle, conseiller au Grand Conseil, maire de Troyes, autre membre de cette noble-bourgeoisie troyenne (selon Roserot, il avait fait édifier le château de Barberey-Saint-Sulpice en 1626). Ce dernier obtint la saisie des biens de Jean d’Aubeterre. Cependant, de nombreux procès ne firent que retarder la vente aux enchères de Vaux et l'annuler en 1690.

Ces saisies nous permettent d’avoir une brève description du château de Vaux en 1640 :

« Le dict lieu de Vaux consiste en une maison seigneurialle, fermée de muraille et de fossés à l’entour auxquels il y a pont levis. Ladicte maison et bâtiment couverts de thuilles plombées, thuille commune et ardoises, il y a chambres basses, chambres hautes, greniers, cours, granges, escuries, thuillerie, bergeries, grand clos de jardin, accins (vergers)... »

Le château et ses dépendances, fermé de murailles comprenait sept arpents. 

Une autre visite du château, faite dans l’intention de faire des réparations au château en 1670 [2] donnent quelques autres détails. Il y avait une cuisine voûtée, tout comme les autres pièces du bas : deux cabinets, un pouillé, un cellier et la chapelle. Les voûtes de cette dernière étaient en mauvais état. Toutes les boiseries étaient à remplacer. L’écurie aux chevaux était proche des fossés et du jardin. Pour la première fois, un colombier était mentionné, tout comme un pressoir, un puits et un « donjon ».

Jean-Baptiste d’Aubeterre décéda en 1693 ; Jacques II d’Aubeterre, capitaine de cavalerie, lui succèda. Le 27 février 1706, il se mariait avec Gabrielle Félicité Hennequin, l'une des familles les plus illustres de Troyes. L’année suivante, il faisait l’acquisition de la baronnie de Jully-au-Chastel, saisie sur la succession du duc de Choiseul [3]. Juilly fut érigée en comté en 1715. Quelques années plus tard, le château de Vaux fut détruit dans un incendie (avant 1719 [4]). Une visite par le curé de Fouchères en octobre 1721 permet de constater que la chapelle était en état de remplir son office [5].

Fort de son nouveau titre de baron et dès 1719, Jacques d’Aubeterre projeta de reconstruire le château mais il ne se contenta, semble-t-il que de le réparer. En 1723, il conclut un marché pour de la couverture qu’il dut refaire faire en 1725 suite à des malfaçons. Mais on ne sait s'il s’agissait du château ou des communs. Cependant, certains auteurs estiment qu'il s'agissait de la construction de l'actuel château. Mais commence-t-on par la toiture ?

Château de Vaux

Jacques d'Aubeterre décéda en 1726 avant de ne pouvoir achever son projet ou tout au moins le commencer. C’est son fils Jean-Jacques d’Aubeterre qui entreprit véritablement la reconstruction du château. Chambellan de l’empereur Charles VII (qui meurt en 1745) puis capitaine des gardes à pied de l’Électeur de Bavière, il ne peut entreprendre la reprise du projet qu’à son retour en France, au début des années 1750 et avant 1754, date de sa mort. De fait, aux Archives Nationales sont conservés des plans et projets pour le nouveau château datés de septembre 1752, réalisés par le sieur Boifranc, soit Germain Boffrand, architecte du roi [6]. Sans doute trop âgé pour en suivre les travaux (il avait alors 85 ans et décéda deux années plus tard, en 1754) l'exécution des travaux fut réalisée par l'architecte Philippe Delaforce [7] qui en modifia quelque peu les plans. 

Château de Vaux

Nous pouvons considérer que l’essentiel du château de Vaux comme achevé à cette date ; il restait encore sans doute à terminer l'aménagement intérieur.

La seigneurie de Vaux passa alors aux mains de la famille de La Rue. Le nouveau seigneur, Claude-Joseph de la Rue, seigneur de Mareilles, était neveu de Jean-Jacques d'Aubeterre par sa mère, Louise-Marie d'Aubeterre. Elle ne resta pas longtemps dans la famille : elle fut acquise  le 16 mars 1760 François Rémond, marquis de Monmort, seigneur de Gyé, Neuville et Courteron [8].


Il est depuis 2015 la propriété d'Édouard Guyot.

Château de Vaux

  Pour plus de photos de l'état actuel (août 2016) : Cliquer ici

Voir le site du Château : http://www.chateau-vaux.com/




[1] Arch. dép. Aube, G 646
[2] Arch. dép Aube, 1 B 1089
[3] Arch. dép. Aube, E 162
[4] 5 B 224 f° 11 v°
[5] Arch. dép. Aube, G 646
[6] A.N., T 136 ; Sur Germain Boffrand : https://structurae.info/personnes/germain-boffrand
[7] Philippe Delaforce ou de La Force fut nommé ingénieur des Ponts et Chaussées de la généralité de Châlons le 13 août 1726. Il fut reconnu seigneur de Verrières et Saint-Aventin en 1731. Il supervisa de nombreux ouvrages d'art dans la région dont le pont à sept arches de Fouchères (1734). Nous lui devons la reconstruction de Sainte-Menehould (ville incendiée en 1719) et la construction de l'Hôtel-Dieu-le-Comte de Troyes ; Jean-Gabriel Legendre en acheva le programme par la chapelle (1759 à 1762). 
[8] Arch. dép. Aube, 2 B 129, f° 366

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