vendredi 17 mars 2017

Les peintures murales de la chapelle d'Avalleur



Matéi Lazarescu, artiste peintre et restaurateur de peintures murales, spécialiste français de la fresque ancienne, est «l’Inventeur » des fresques de la chapelle d'Avalleur. Il était venu présenter lors d'une conférence à Bar-sur-Seine, le dimanche 2 juin 2000, le fruit de ses travaux et de ses recherches.

« Avant tous travaux touchant le gros œuvre d’un monument ancien, qu’il soit classé ou non, il faudrait pouvoir procéder à une étude préalable des enduits muraux afin de connaître la présence éventuelle de peintures ou décors muraux. Grâce à la municipalité de Bar-sur-Seine, cette étude a pu être menée à bien en 1998. À la suite des travaux du regretté Jean-Michel MUSSOT, Architecte en Chef pour la région des Bâtiments Historiques, l’habitude de ces études préalable a été prise. Avalleur n’a pas dérogé à cette heureuse initiative.

« Il faut savoir qu’en règle générale, la pierre du gros œuvre était que très rarement exposé à la vue. À part la pierre blanche calcaire de cette région qui était vue telle quelle, on enduisait les murs pour égaliser, pour protéger l’œuvre brute, pour décorer aussi. L’économie de ces époques de constructions faisait que les matériaux et leur transport étaient chers. Certes la main d’œuvre coûtait moins cher. Le niveau de vie des artisans était plus faible ; artisan du bâtiment car ce n’était pas les cas de certaines professions à main d’œuvre hautement qualifiée et outillage spécialisé comme l’orfèvrerie. Ce coût élevé des matériaux obligeait à des économies qui se voient. Cela permet d’identifier presque sans coup férir un enduit ancien !

« L’enduit de surface des murs était composé de chaux. C’est un matériau de synthèse. C’est à dire que l’on prend du calcaire brut on le calcine, le déshydratant. On obtient un oxyde de calcium. Sur le chantier on le mélange avec de l’eau, jusqu’à l’obtention d’un lait de chaux. Cet enduit est, dans les endroits où la pierre fait saillie très mince. Il servait donc à combler les intervalles entre les pierres, rendant les surfaces plus ou moins planes. Puis, on badigeonnait pour blanchir, fournissant éventuellement un support à des décors muraux.

« Dans la chapelle d’Avalleur, on trouve, dans la travée centrale, un enduit de réparation beaucoup plus récent. C’est un enduit de réparation posé sur le colmatage de deux anciennes ouvertures pratiquées dans les murs nord et sud de la chapelle. On s’en aperçoit par la différence d’appareillage des murs. Au XIXème siècle, deux ouvertures furent ainsi pratiquées dans les murs de cette chapelle désaffectée, afin de pouvoir traverser avec un charroi sans avoir à manœuvrer en marche avant ou arrière. Rappelons que ce bâtiment servait jusqu’à presque la troisième partie du XXème siècle de grange ! C'est peut-être aussi grâce à cette utilisation qu'elle fut sauvée. Ces ouvertures furent re-maçonnées et recouvertes d’un enduit de réparation. La date estimée de ces réparations serait 1860.

« Comme cet enduit de réparation recouvre toute la partie basse de la chapelle, et qu’il est directement appliqué sur le gros œuvre, on sait qu’il n’est pas d’origine puisqu’il recouvre les ouvertures rebouchées.

« La partie la plus intéressante pour nous sera la partie haute, en démarrant du niveau bas des fenêtres (ou glacis). Nous trouvons à partir de là des restes de décors. Les chapiteaux gardent encore des restes de polychromie. On aperçoit du rouge, du noir, …. Le noir est une teinte dont il faut se méfier. En effet, après plusieurs siècles, ce noir est souvent à l’origine une toute autre couleur. Ainsi, la transformation la plus classique est celle des tons de carnation, les roses, qui deviennent gris voire noirs. On soupçonne le blanc de plomb entrant dans leur composition d’être à l’origine de ces changements. Mais le cinabre (teinte rouge vermillon), venant du mercure peut lui aussi connaître de tels avatars. Le vert venant des résinâtes de cuivre, est d’une couleur plus forte que celle obtenue par des terres vertes. Mais, malheureusement il se transforme en noir aussi avec le temps.



« La démarche de faire ainsi des décors peints dans un bâtiment est une démarche du pauvre. C’est celle de celui qui ne peut s’offrir des mosaïques, des pierres nobles ou des marbres de couleurs différentes. Nous en avons l’illustration ici notamment au niveau des pourtours des fenêtres où les décors suggèrent une maçonnerie. Ces derniers ne sont pas en très bon état. Les tons du deuxième bandeau en partant de l’ébrasement de la fenêtre ont presque disparu. Mais le dessin rappelle l’appareillage de pierre de la chapelle. On retrouve dans chaque motif une coupe d’un bloc de pierre (ou claveau) des ogives. 

Le décor suggère une belle maçonnerie
« On revient à l’aspect économique du bâtiment car la peinture est beaucoup plus économique ; l’échafaudage étant en place pour l’enduit, il le reste pour la peinture des décors qui ne prend que quelques jours de plus. Cette démarche remonte au moins à la Rome antique.

« En peignant tout de suite sur l’enduit frais, on fait de plus l’économie de colle dans la peinture. L’enduit frais (fresca en italien, qui a donné le mot fresque) fixe en séchant les pigments du décor. 

" La datation la plus probable serait la première moitié du XIIIe siècle, si l’on s’en réfère au style. C’est un décor simple qui est l’œuvre par contre d’un atelier spécialisé.

« Au triplet, on voit trois bandeaux. Le premier est d’inspiration architecturale, le deuxième est plus estompé mais on devine des palmettes et des sinusoïdes. Le troisième est à peine visible mais est une variante du deuxième. Il n’a pas été beaucoup dégagé. Si les travaux de conservation ne suivent pas immédiatement derrière, on expose ces peintures à une dégradation rapide. Donc on ne dégage que le strict nécessaire. C’est à dire ce qu’il faut pour classer, dater, afin obtenir des subventions le cas échéant si le décor est intéressant. C’est le cas ici !

Les trois bandeaux au triplet
 « Le motif essentiel de dégradation des fresques est l’humidité. Le plus grave c’est surtout les variations de taux d’humidité. Un mur passant de l’humidité à la sécheresse va se dégrader beaucoup plus vite. Un mur humide va faire se dégrader les peintures. Mais, les variations vont faire sauter des écailles de peinture qui seront ainsi irrémédiablement perdues. Lorsque le mur sèche, il se produit une cristallisation des sels contenus dans l’eau produisant localement des augmentations de volume. Ils réagissent aussi avec les pigments de façon irréversible.

« Ainsi, sur l’ensemble des murs, était peint un faux appareillage. On le voit sur la gauche du chevet. L’imitation de la pierre est ce que l’on appelle un faux appareil. Il est ici en jaune sur un enduit lui-même jaune. Il est délimité par de faux joints blancs. L’assise est assez régulière. Le but est de suggérer un appareil beaucoup plus savant et plus parfait qu’il ne l’est en réalité. Il est légèrement plus grand que l’appareil réel sur le mur du chevet mais de la même taille sur les voûtains. Imaginez l’ensemble de la chapelle peint dans ce faux appareil, à l’exception des entourages de fenêtres, probablement sous le glacis aussi.

« D’autres zones étaient aussi décorés. Ce sont les nervures des voûtes et des formerets. Selon le profil des moulures, ils étaient colorés de ton ocre rose, de rose, de rouge, de blanc et peut être de noir (sous la réserve qu’il ne s’agisse pas d’un pigment transformé). Les clefs de voûtes aussi étaient peintes. Cela permettait de les faire ressortir visuellement par rapport aux voûtes et aux nervures, comme elles se révélaient déjà du point de vue sculpture. Les autres travées présentent aussi des décors restés en place surtout sur le mur nord. On les trouve autour des lancettes (fenêtres) et sur les nervures des voûtes. Ils sont en deux bandeaux sur les lancettes des murs gouttereaux (longitudinaux). Le chevet est, avec un décor en trois bandeaux, le mur privilégié. On aperçoit aussi le faux appareil. Les nervures étaient très colorées.

« Le but de ces décors était de souligner le squelette du bâtiment. C’est à dire tout ce qui fait saillie. Cela permet une lecture beaucoup plus forte de l’espace. Il y a ici trois travées, elles sont soulignées dans le vrai sens du terme par des bandeaux rouges. Pourquoi rouge ? Parce que c’est une couleur qui se voit de loin. Ces bandeaux rouges sont en rubans plissés simples ou doubles, motif simple mais efficace du point de vue décoratif.

« La deuxième lancette sur le mur nord offre un décor presque hallucinatoire. Cela ressemble à des yeux. On retrouve le motif de claveaux peints. Cela compose un motif en bandeau avec ce cercle concentrique rappelant une iris, une pupille. 

Un décor presque hallucinatoire

« Nous observons également des bandeaux rouges qui délimitent ce premier motif autour de la lancette ainsi que vers le faux appareil. C’est une manière très courante de travailler du VIIle - IXe siècle au XIIIe - XIVe siècle. Le motif à ruban plissé double se retrouve à Villenauxe-la-Grande, en haut des murs du XIIIe siècle. Ce sont des motifs très simple mais qui sont réalisés de manière très savante. Sur un arc, on trouve des motifs pyramidaux. Tout au moins, des pyramides qui s’opposent par leur sommet. Ce motif affiche une volonté de troisième dimension. On ne promène pas seulement un pinceau pour peindre des espaces plats. On suggère un relief avec deux, trois, quatre couleurs. En jouant sur l’intensité et la luminosité des unes et des autres, on oppose des surfaces ombrées à des surfaces éclairées.

Des motifs pyramidaux
« Le plus bel exemple de bonne conservation se trouve dans la troisième travée. On voit le faux appareil passé sous le motif. Cela nous donne l’ordre d’exécution des motifs. Du plus simple au plus précieux, du plus gros au plus précis. Dans cette travée, on retrouve un décor sur les arcs formerets en ruban plissé.

Des rinceaux faisant penser à des arabesques.
Une influence liée aux contacts avec les Arabes en Orient ?
« En fait, cela marche par voûtain. Chaque voûtain, sur ses trois côtés, présente les mêmes motifs sur le fond des arcs. Sur l’un de ces arcs, on aperçoit nettement, à travers le badigeon, un motif pyramidal. Il faut toujours faire attention dans les bâtiments anciens à ces décors fantômes qui apparaissent. Il y un décor ancien en dessous ! Ce sont soit les pigments qui ont traversé les couches de badigeon, soit les charges électrostatiques en présence. En effet, en variant d’un pigment à l’autre, des poussières se sont accumulées dans des zones fortement électrisées.

La taille des sondages opérés par Matei Lararescu lors de la campagne de fouille qu’il a menée est très modeste. Il ne faut découvrir qu’une petite partie des fresques lorsqu’elles sont présentes, pour se rendre compte de leur importance et les dater. Il faut en découvrir le moins possible. De même, lorsque aucune fresque n’apparaît, les trous de sondage, réalisés jusqu’à l’appareillage réel, doivent aussi être les plus petits possibles. Pour une raison simple, c’est que si une intervention de sauvetage et de restauration n’intervient pas tout de suite, il faut risquer le moins possible pour les fresques, donc en découvrir le moins possible. Quant aux autres trous jusqu’au mur, moins ils sont gros, moins ils gênent l’esthétique du lieu !

D'après le spécialiste qu'est Monsieur Lazarescu, nous sommes là devant un ensemble exceptionnel de fresques qui mériteraient d'être remises à jour. Mais ce travail ne peut se faire sans une restauration préalable de la chapelle, tant de la toiture que des fenêtres, l'assainissement du terrain ayant déjà été réalisé par la municipalité de Bar sur Seine à qui appartient la chapelle. Révéler les fresques aux yeux de tous risquerait de les condamner définitivement si toutes les conditions de préservation n'étaient pas réunies. 


Extrait d’une conférence donnée à Bar-sur-Seine le dimanche 2 juin 2000, résumé de Jean-Luc Stéphan

mercredi 27 juillet 2016

Rumilly-lès-Vaudes. Son manoir, son église et ses mécènes



Ouvrage collectif

Sous la codirection de Marion Boudon-Machuel et Jacky Provence
ISBN 978-2-9546058-1-4

Cet ouvrage consacré à Rumilly-lès-Vaudes fait suite aux conférences qui y avaient été organisées par le Centre troyen de recherche et d’études Pierre et Nicolas Pithou. Elles s’inscrivaient alors dans le prolongement de l’exposition Le Beau XVIe siècle – Chefs d’œuvre de la sculpture en Champagne qui s’était tenue à Troyes, en 2009, en l’église Saint-Jean-au-Marché. Geneviève Bresc-Bautier et Marion Boudon-Machuel y avaient traité de la statuaire de l’église Saint-Martin et de sa symbolique, tandis que Jacky Provence avait abordé la question du mécénat au travers de l’action des notables troyens Jacques et Jean Colet.

Une publication portant sur Rumilly-lès-Vaudes ne saurait se limiter à ces sujets si elle prétend mettre en évidence les richesses patrimoniales qui y subsistent. Il a donc été décidé d’en élargir la thématique pour englober tous les aspects susceptibles d’attirer l’attention du visiteur découvrant les richesses de ce village champenois. C’est pourquoi il a été fait appel à Danielle Minois, la spécialiste du vitrail troyen, pour traiter des verrières de l’église, et à Florian Meunier pour en présenter l’architecture, complétant et approfondissant ainsi l’étude et la visite du monument. 

Enfin, il est apparu évident que le Manoir des Tourelles, emblématique du village, et qui fait sa célébrité, ne pouvait être absent de cette monographie. Cela d’autant plus que, par la concomitance de leur construction, par les relations existantes ou supposées entre leurs promoteurs et par les rapprochements stylistiques qu’ils permettent, les deux monuments sont difficilement dissociables. C’est bien sûr à Jean Daunay, infatigable historien et révélateur des richesses de Rumilly-lès-Vaudes, qu’a été confié le soin de présenter ce joyau de l’architecture du terroir de la Champagne méridionale. 

Ce livre est le fruit d’une nouvelle et riche collaboration entre la revue La Vie en Champagne, et le Centre Pithou. Que soient remerciés ici tous les auteurs, pour leur disponibilité et la qualité de leur travail, et tous les partenaires qui ont permis la réalisation de cet ouvrage, notamment la DRAC Champagne-Ardenne et le Conseil départemental de l’Aube.

Table :

- Jean Daunay (Société Académique de l’Aube), Le manoir des Tourelles à Rumilly-lès-Vaudes


- Florian Meunier (Docteur en histoire de l’art, Conservateur en chef du patrimoine), L’architecture de l’église de Rumilly-lès-Vaudes

- Marion Boudon-Machuel (professeure en histoire de l’art moderne, Université de Tours / CESR) La sculpture de l’église Saint-Martin de Rumilly-lès-Vaudes : une statuaire au service du lieu

- Geneviève Bresc-Bautier (Conservateur en chef du patrimoine, directrice honoraire du département des sculptures du musée du Louvre), Les apôtres de Rumilly-lès-Vaudes : les piliers de l’Église 

- Danielle Minois (Docteur en histoire de l’art), Les vitraux de l’église Saint-Martin

mercredi 11 mai 2016

Art et artistes à Troyes et en Champagne méridionale (fin XVe - XVIe siècle)

Sortie ce jour, 11 mai 2016


Prologue : La comptabilité des œuvres

Bruno DecrocqPatrimoine mobilier et sculpture en Champagne-Ardenne et dans l’Aube. Approche statistique

Première partie. L’artiste et le potentiel artistique 
(modèles, sujets d’inspiration, organisation)

Marie-Dominique LeclercLes graveurs champenois et leur influence potentielle sur l’art des XVIe siècle et XVIIe siècle

Laurence RivialeÀ la recherche du vitrail perdu. La légende de la Santa Casa de Lorette peinte sur le verre : la verrière de Dreux face à des exemples champenois et normands

Danielle MinoisLes peintres verriers à Troyes entre 1480 et 1560 environ

Jacky ProvenceLes potentialités artistiques d’une ville au service de l’Art éphémère : les entrées royales à Troyes

Florian MeunierLes architectes et maçons sur le chantier de la cathédrale de Troyes


Deuxième partie : Les « ymagiers » et leur oeuvre 

Raymond TomassonStatues de saint Éloi de la fin du XVe siècle en Champagne méridionale (Aube)

Julien MarasiLe Maître de Chaource, Jacques Bachot et Henri de Lorraine, évêque de Metz et seigneur usufruitier de Joinville

Geneviève Bresc-Bautier, Trois exemples de restaurations de sculptures champenoises du XVIe siècle

Marion Boudon-MachuelJacques Juliot et la sculpture du XVIe siècle : question de méthode

Ian WardropperLe sculpteur Dominique Florentin dans un contexte local, national et international

dimanche 20 décembre 2015

Le Sépulcre de Chaource, 1515 : la vidéo

Le Sépulcre de Chaource 1515


Cliquer sur l'image

Scénario :
Guy Cure
Jacky Provence

Texte :
Guy Cure
Pierre-Eugène Leroy
Jacky Provence

Image :
Corto Layus
Thibaud Provence

Son :
Thibaud Provence

Musique :
"Orgues de Chaource" - Géraud Guillemaud

Voix :
Pierre-Eugène Leroy

Montage de préfiguration :
Arnaud Rollin

Montage Final :
Thibaud Provence

Encadrement :
WEB3-DESIGN


Lien : https://www.youtube.com/watch?v=TBYCQCofV58

Production : Commune de Chaource - Centre Pithou