lundi 31 juillet 2017

Marie-Sidonia de Lenoncourt

  Marie-Sidonia de Lenoncourt, fut considérée comme l’une des plus belles femmes d’Europe… née en 1650, elle décéda en 1685, à 35 ans.

Portrait de femme (Marie-Sidonia de Lenoncourt) 
collection privée, 64.8 x 81.3 cm

 Elle a laissé ses mémoires, véritable plaidoyer, dans lesquels elle conte ses déboires.
Ces Mémoires débutent avec un autoportrait, ce qui était assez rare à cette époque.

« …, je serai fort aise que l’on sache, pour votre honneur et pour le mien, que je suis d’une des meilleures maisons du royaume ; qu’il ne faut qu’avoir lu l’histoire et savoir le nom que je porte pour être convaincu qu’il n’y a point de dignité qui ne soit entrée dans ma famille ; que, du côté de ma mère, je suis plus d’une fois alliée à l’Empire, et que je tiens aux plus grands princes de l’Allemagne.

Pour mon portrait, je voudrais bien le faire sur l’idée que vous en avez conçue, et qu’on voulût s’en rapporter à vos descriptions ; mais il faut dire naïvement ce qui en est : j’avouerai que, sans être une grande beauté, je suis pourtant une des plus aimables créatures qui se voient ; que je n’ai rien dans le visage ni dans les manières qui ne plaise, ni qui ne touche ; que, jusqu’au son de ma voix, tout en moi donne l’amour, et que les gens du monde les plus opposés d’inclination et de tempérament sont d’un même avis là-dessus, et conviennent qu’on ne peut me voir sans me vouloir du bien.

Je suis grande, j’ai la taille admirable et le meilleur air que l’on puisse avoir ; j’ai de beaux cheveux, faits comme ils doivent être pour parer mon visage et relever le plus beau teint du monde, quoiqu’il soit marqué de petite vérole en beaucoup d’endroits ; j’ai les yeux assez grands ; je ne les ai ni bleus ni bruns, mais entre ces deux couleurs ils en ont une agréable et particulière ; je ne les ouvre jamais tout entiers, et, quoique dans cette manière de les tenir un peu fermés il n’y ait aucune affectation, il est pourtant vrai que ce m’est un charme qui me rend le regard le plus doux et le plus tendre du monde ; j’ai le nez d’une régularité parfaite ; je n’ai point la bouche la plus petite du monde, je ne l‘ai point aussi fort grande.

Quelques censeurs ont voulu dire que dans les justes proportions de la beauté, on pouvait me trouver la lèvre du dessous un peu trop avancée ; mais je crois que c’est un défaut qu’on m’impute pour ne m’en avoir pu trouver d’autres, et que je dois pardonner à ceux qui disent que je n’ai point la bouche tout à fait régulière, quand ils conviennent en même temps que ce défaut est d’un agrément infini, et me donne un air très-spirituel dans le rire et dans tous les mouvements de mon visage. J’ai enfin, la bouche bien taillée, les lèvres admirables, les dents de couleur perle, le font, les joues, le tour du visage beaux, la gorge bien taillée, les mains divines, les bras passables, c’est-à-dire un peu maigres, mais je trouve de la consolation à ce malheur par le plaisir d’avoir les plus belles jambes du monde. Je chante bien sans beaucoup de méthode, j’ai même assez de musique pour me tirer d’affaire avec les connaisseurs. Mais le plus grand charme de ma voix est dans a douceur et la tendresse qu’elle inspire ; et j’ai enfin des armes de toutes espèce pour plaire, et jusques ici je ne m’en suis jamais servie sans succès. Pour l’esprit, j’en ai plus que personne, naturel, plaisant, badin, capable aussi de grandes choses, si je voulais m’y appliquer.»


 Elle est née au château édifié par son grand-père, à Marolles-les-Bailly.

 Son père, Joachim de Lenoncourt, marquis de Marolles et bailli de Bar-sur-Seine, était issu d’une branche cadette d’une des plus illustres maisons de Lorraine, l’une des quatre plus anciennes maisons de chevalerie, qui avait donné des archevêques et cardinaux. Joachim avait été une fine lame, prompt à provoquer en duel en ces temps où le roi Louis XIII et son ministre Richelieu l’avait interdit, sous peine de condamnation à mort. Il dut s’enfuir au Luxembourg ; en juillet 1633, la justice du roi le condamna par contumace à la décapitation.

 Au cours de son exil, il épousa Isabella Klara von Kronberg, d’une non moins illustre maison d’Empire. Ils eurent un fils, Louis-Anne et une autre fille, Henriette, décédée jeune.
Joachim rentra en grâce ; le roi avait besoin d’hommes de valeur pour mener la guerre. Il devint lieutenant-général et gouverneur de Thionville en 1643. Marie-Sidonia n’avait que 4 ans lorsqu’en 1654 la tête de son père fut emportée par un boulet de canon au château de Mussy en Lorraine. Sa mère, Isabelle-Eugénie, sombra dans une vie dissolue, convola en noces morganatiques avec un certain Bunel. La rumeur faisait de lui "Saint-Ange", l’un des chefs des brigands de la Cour des Miracles… qui finit sur la roue.

 Afin d’épargner cette déchéance à Marie-Sidonia, son tuteur, le puissant duc de Villars[1], avait enlevé Marie-Sidonia à sa mère et l’avait placée dans l’abbaye Saint-Loup d’Orléans dont l’abbesse était une tante, Marie de Lenoncourt. Elle y passa 10 années, lorsque le décès de son frère, en 1664, bouleversa son destin. Marie-Sidonia devenait une jeune et belle riche héritière, vite convoitée par de nombreux prétendants dont Colbert. Ce dernier, ayant l’oreille du roi Louis XIV, obtint qu’on enlève la jeune fille de son couvent, pour le profit de son frère[2].

« Le roi, voulant me mettre en état de choisir moi-même, me fit l’honneur de m’envoyer prendre par un exempt et douze gardes. Je crois que ma tante eut comme un pressentiment que ma sortie de son cloître devait être le commencement de mes infortunes. Elle reçut l’ordre qui m’arrachait de ses bras avec des torrents de larmes ; et ne pouvant se résoudre à m’abandonner à une vie si différente de celle que j’avais commencé de mener, elle prit un carrosse et me suivit de loin, n’ayant pu obtenir de celui qui me conduisait la permission d’entrer dans celui où j’étais, ni de me parler, non plus qu’aux femmes que le roi avait envoyées pour m’accompagner. Pour moi, je fus si étourdie de cette aventure, ou plutôt si charmée de me voir passer du cloître dans la plus belle cour du monde, que je ne prenais nulle part à sa douleur (…) en descendant du carrosse, je fus présentée au roi en habit de pensionnaire, aux pieds duquel je me jetai, et qui me reçut avec toute la bonté imaginable, me promettant sa protection… »

 Marie-Sidonia, malgré ses 14 ans, avait su montrer un caractère impétueux et farouche, décidée de se refuser au frère du puissant ministre. Une demoiselle d’une telle lignée pouvait-elle épouser un homme dont les pères et grands-pères étaient banquiers et marchands-drapiers ? Aussi riche qu’il puisse être ? Une telle mésalliance était pour elle d’une « répugnance effroyable » ! En attendant le mariage, le roi lui donna le choix de demeurer auprès de la reine ou auprès d’une princesse de sang de son choix ; elle choisit d’être auprès de Marie de Bourbon-Condé, princesse de Carignan[3], chez laquelle nombre de galants vinrent lui faire la cour, dont le frère de Colbert, qui n’avait pas renoncé et se voyait encore marié à elle. « Je fus inspirée très-assurément par mon mauvais ange de demander d’être mise auprès de madame la princesse de Carignan ». Le beau-frère du ministre[4] tomba aussi éperdument amoureux d’elle. L’affaire prit de telles proportions que la belle trouva enfin le prétexte pour rompre définitivement avec les prétendants de la famille Colbert.

« Depuis que je fus hors de mesure avec la maison de M. de Colbert, la réputation que j’avais d’avoir du bien m’attira la recherche de tous les jeunes gens qui étaient à marier dans ce temps-là. Mais comme ce n’était des amants que pour le mariage, et qu’il n’y a rien d’extraordinaire dans le soin qu’ils m’ont rendus pour cela, je ne saurais prendre la peine d’en prononcer ni d’en rien dire ».

 La belle aurait-elle souhaité s’amuser un peu avec quelques galants, avant de consentir au mariage ?

L’Hôtel de Soissons au XVIIe siècle

 L’Hôtel de Soissons[5], résidence de la princesse, était l’un des plus beaux centres de la galanterie parisienne où l’on rencontrait les plus beaux esprits et les plus belles dames de la cour ; elle y côtoya Olympe Mancini[6] et la duchesse de Chevreuse[7]. C’était l’un des hôtels où se fourbissaient les plus grandes intrigues de la cour, dont celle qui vit la perte de Fouquet. Marie-Sidonia était devenue un jouet entre les mains de ses protectrices, la princesse de Carignan et sa fille, la princesse de Bade[8], mais celles-ci voyant s’évaporer un moyen d’attirer les faveurs du roi par l’intermédiaire de son ministre, forgèrent un nouveau dessein : l’offrir au duc de Villeroy[9], autre grand du royaume pouvant attirer les bienfaits du roi, pour son neveu, Charles de Champlais, marquis désargenté de Courcelles, neveu par ailleurs de Louvois[10].
Le mariage fut rapidement arrangé, auquel consenti le roi à la demande de Villeroy. Marie-Sidonia se laissa convaincre, avec la promesse qu’on ne l’obligerait à ne jamais quitter Paris. Le mariage eut lieu le 19 février 1666 en privé dans la chapelle de l’Hôtel de Soissons, sans que sa famille ou ses tuteurs en soient avertis. Le roi fit même l’honneur d’en signer le contrat, et la reine de venir au souper et de lui donner sa chemise pour la nuit de noces.

Terrible nuit de noces…

Rustre, violent, autoritaire, l’homme n’était pas pour plaire à la jeune fille et bien qu’il eut 10 ans de plus qu’elle, il ne put la contraindre à consommer le mariage, laissant au matin la belle vierge. Cependant, le couple fit bonne mesure et dissimula le courroux de la mariée envers son grossier époux pendant les huit jours de fêtes que l’époux offrit pour son si beau mariage, fort heureux d’avoir trouvé une fortune qui saurait rembourser ses dettes et payer les pompeuses et coûteuses fêtes offertes pour ce mariage. Marie-Sidonia avait dès les premiers jours découverts la tromperie. Les créanciers du marquis se ruaient auprès d’elle tandis que son mari la pressait de signer des emprunts. Mais en plus de sa virginité, il ne put la contraindre à délier les cordons de sa bourse. L’aversion qu’elle avait pour son mari fut de notoriété publique un mois plus tard…

« Je ne savais pas encore que haïr son mari et pouvoir en aimer un autre, est presque la même chose...»

Les railleries coururent vite.

Son tuteur, le duc Villars, que l'on n’avait ni prévenu, et dont on n’avait pas obtenu le consentement, avait bien porté une plainte, celle-ci fut sans effet. Le Parlement de Paris ne pouvait défaire un mariage dont le contrat avait été signé du roi.
Malgré les déboires du couple – sinon à l’avantage de ces déboires -, la belle-mère avait programmé d’autres desseins, au détriment de l'honneur de son fils.
Dès les premiers jours du mariage, elle vint instruire Marie-Sidonia des devoirs qu’elle aurait à rendre, lui recommandant de bien faire sa cour à M. de Louvois, espérant de lui faveurs et avancement pour son fils. Ce dernier avait obtenu sa charge de commandant d’artillerie par les faveurs ; habitant à l’Arsenal de Paris, Marie-Sidonia allait être amenée à rencontrer régulièrement Louvois. De leur côté, les princesses de Carignan et de Bade avaient remarqué l’intérêt que Louvois semblait porter à notre belle marquise et elles étaient décidées d’utiliser la jeune femme pour renforcer leur alliance avec celui-ci, quitte à sacrifier l’honneur du mari de la marquise…

François Michel Le Tellier, marquis de Louvois
par  Pierre Mignard
Musée des Beaux-Arts de Reims 
Alors en Flandre lors du mariage, Louvois vint faire son compliment à Marie-Sidonia dès son retour à Paris.

« Il était onze heures du soir, les bougies étaient éloignées, j’étais sur mon lit, il ne vit point, et ne fut avec moi qu’un instant, mais je le vis assez pour concevoir pour lui des sentiments qui ont paru, dans la suite, et dont les plus grands malheurs de ma vie ont été la punition. »


Pour Louvois, une passion était née. Bien qu’il ne s’était rien passé entre lui et Marie-Sidonia, la Princesse de Bade faisait déjà courir en cour des bruits sur les visites qu’il lui faisait. M. de Louvois profita de ces bruits pour déclarer sa flamme à l’oreille de Marie-Sidonia, pendant une messe du roi. Sa belle-mère, alors à ses côté, entendit tout et en fut très ravie.
Cependant Marie-Sidonia s’était éprise du fils du duc de Villeroy[11], cousin de son mari, qui semblait éprouver les mêmes sentiments bien qu’étant alors amant de la princesse de Monaco[12]. Villeroy découvrait la jalousie qui naissait en lui. Alors que la belle se rendit dans son château de Marolles pour la saison de la chasse, Louvois avait pris le parti d’aller l'y courtiser. Jaloux, Villeroy en informa son mari, le marquis de Courcelles partit aussitôt à la rencontre de son épouse pour la conspuer, lui faisant le reproche qu’elle ferait mieux de se consacrer à sa fortune.

L’épouse de Villeroy vivait retirée dans son château, laissant libre cours à celui-ci. Le premier rendez-vous entre Villeroy et la marquise se fit chez l’abbé d’Effiat, à lArsenal, pourtant l’un des premiers qui fit la cour à Marie-Sidonia, et qui en était resté amoureux. Afin de n’être découverts et de détourner les soupçons, il était convenu que Villeroy continue de faire la cour à la princesse de Monaco, qui était amoureuse de lui, tandis que Marie-Sidonia entretenait son amitié avec Louvois, qui espérait beaucoup d'elle. Cependant, l’intrigue fut découverte. La correspondance de Marie-Sidonia fut dévoilée. Se voyant de la sorte trompée et humiliée, la princesse de Monaco obtint de la reine que Marie-Sidonia se retire de la cour. De son côté, Louvois se senti également trahi, mais Marie-Sidonia sut user de son charme pour se faire pardonner, lui promettant de ne plus revoir Villeroy, alors parti à la guerre.

Louvois, pour avoir le champ libre, éloigna de façon très habile le marquis de Courcelles, l’envoyant loin de Paris et lui faisant même donner par le roi le commandement de l’artillerie en Flandre, lui ordonnant de s’établir à Tournay et trouvant tous les subterfuges, avec l’aide de Turenne, pour qu’il ne revienne pas à Paris.

Cependant, le retour annoncé de Villeroy à Paris, Marie-Sidonia ne résista pas à la tentation de revoir cet amant, malgré la promesse que tous les deux avaient fait à Louvois de ne plus se voir. Le croisant en carrosse, il la suivit à son hôtel. Elle le conduisit dans sa chambre, et tandis que l’un et l’autre se réconciliaient, elle assise sur son lit, lui à genoux devant elle, Louvois entra dans la chambre. Villeroy quitta la chambre sans dire mot, se soumettant à Louvois, sacrifiant ainsi son amour à sa carrière. Louvois obtint du roi que Marie-Sidonia soit placée au couvent, sous couvert de sauver l’honneur du mari, et plus encore par esprit de vengeance. Elle s’y retrouva avec l’épouse du duc de Mazarin, Hortense Mancini, qui avait refusé de suivre son époux en Alsace, préférant le couvent. D'un âge proche, 17 ans pour la marquise, 23 ans pour la duchesse, et de même tempérament, elles se lièrent d’amitié.

Hortense Mancini, duchesse de Mazarin
par Godfrey Kneller
Graves Gallery, Sheffield

Après quelques mois d’enfermement, où les deux jeunes filles espiègles rendirent la vie difficile aux religieuses, la duchesse de Mazarin obtint le droit de retourner séjourner dans son hôtel parisien et avec elle Marie-Sidonia.
Cette duchesse était Hortense Mancini, nièce du cardinal de Mazarin, de quatre ans l’aînée de Marie-Sidonia. A deux souverains, au roi Charles II d’Angleterre et au duc de Savoie, le cardinal préféra la marier à un homme plus modeste, le duc de la Meilleraye. Il avait convenu de céder à sa nièce toute sa fortune, tous ses titres et ses biens à condition que le duc renonce à son nom et prenne celui de Mazarin. A Paris, elle résidait au Palais Mazarin, qui deviendra plus tard le « Palais royal » (siège aujourd’hui du ministère de la Culture et de la Comédie Française). Comme Marie-Sidonia, elle avait beaucoup d'esprit, elle aimait la vie, la fête, Paris et la vie de la cour ; comme elle, elle avait un mari jaloux, avare et détestant les mondanités. Comme elle, elle était considérée comme l’une des plus belles femmes d’Europe. Comme elle encore, elle dût connaître l'exil pour échapper à son mari, ainsi que nous le verrons plus tard...

Le marquis de Courcelles, de retour à Paris, profita de l’absence de la dame de Mazarin pour s’introduire en son palais et convaincre son épouse de rentrer avec lui ; ce qu’elle accepta on ne sait pourquoi ou avec quelles promesses. Cependant, rentrée chez elle, il l’accabla de mauvais traitements, lui interdisant parties de chasse et sorties dans le monde. Il décida de se venger de ses infidélités et de prévenir définitivement tout risque de cette nature. Un soir qu’elle rentra, une servante lui prépara l’eau pour sa toilette. Elle plongea les mains dans la vasque et les porta à son visage, lui infligeant une cuisante brûlure. Prise de fureur, elle interrogea sa servante qui refusa de parler, alors, à l’aide de deux de ses laquais, elle lui fit boire de force l’eau de la vasque. La servante se tordit de douleurs et s’effondra. Le mari avait fait empoisonner l’eau de la toilette de Marie-Sidonia, afin de flétrir sa coupable beauté et la défigurer.
Elle resta alitée plus de six semaines, six semaines de souffrances avant de plonger dans une fièvre qui la tint encore plus de quarante jours. On la vit mourante ; on lui fit administrer l’extrême onction. Pendant tout ce temps, l’époux s’était montré extrêmement prévenant et inquiet, lui faisant prodiguer les meilleurs soins.

Il est vrai que la belle, âgée de 17 ans, n’avait pas fait de testament…

Louvois ne manquait pas de venir s’informer de son rétablissement, la visitant régulièrement.
Pour sa convalescence, elle partit s’isoler un mois dans le couvent tenu par sa tante. Elle revint à Paris, s’ingéniant à renouer avec Louvois : « j’avais pris tant de goût au plaisir de le tromper que je ne pouvais plus m’en passer. » Avec son amie la duchesse de Mazarin, elle courut les bals masqués qui animaient Paris l’hiver, organisés la nuit dans les plus grandes maisons, continuant à se jouer de Louvois. Les deux amies s’étaient éprises et se disputaient le cœur d’un des plus beaux galants de Paris, un certain Oder de Cavoye
Découvrant que Cavoye allait rendre secrètement visite à Marie-Sidonia, prise d’une soudaine jalousie, la duchesse de Mazarin révéla tout à son mari qui provoqua en duel le galant, malgré l’interdit royal. Tandis qu’ils croisaient le fer, les deux hommes s’entendirent sur une issue heureuse pour eux mais qui devait plonger la duchesse de Mazarin dans le déshonneur et qui eut pour effet son enfermement dans le château de Mayenne. De son côté, en mai 1668, le marquis Charles décida de placer Marie-Sidonia en résidence surveillée dans son château de Courcelles, dans le Maine, sous la bonne garde de sa mère. Le mois suivant, la duchesse de Mazarin s'évadait pour s'enfuir auprès de sa sœur à Rome.
Les rumeurs du duel parvenant aux oreilles du roi, les deux hommes furent appelés en Parlement de Paris et une enquête fut menée. L'arrêt condamna le marquis à deux ans d'internement en la Conciergerie, la prison royale sur l'île de la Cité où les deux duellistes furent enfermés deux années, jusqu'en juillet 1670.

La Conciergerie, Paris

 Éloignés l'un de l'autre, Marie-Sidonia tomba enceinte, grossesse qui fut révélée en janvier 1669. Pour son plus grand malheur...

Comment cela fut-il possible ? Comment la belle, placée sous la surveillance de sa belle-mère, avait-elle pu commettre un tel affront et déshonneur à son époux emprisonné ?

Dès qu’il apprit la nouvelle de sa grossesse, le marquis fit envoyer plusieurs soldats garder de près Marie-Sidonia, la plaçant sous étroite surveillance sans qu'elle puisse communiquer avec qui que ce soit.
Qui pouvait donc être le séducteur ? 
Les soupçons se portèrent sur un jeune page de 23 ans qui avait libre accès au château.
Le 3 avril 1668, le marquis porta plainte au Parlement de Paris contre son épouse pour sa vie dissolue dont elle était devenue grosse. Le Lieutenant Criminel de Château-du-Loir fut désigné pour mener l’instruction. Elle fut visitée par deux médecins du roi et une sage-femme pour constater de son état. Le constat fait, il fut conclu que Marie-Sidonia soit transférée à Château-du-Loir, ne pouvant rester dans la maison de celui qu'elle avait déshonoré, et son présumé séducteur emprisonné.

Le 18 juin le juge accompagné d’une bonne garde alla chercher la marquise au château de son époux. Jugée intransportable par les médecins, sur le point d’accoucher, le juge lui fit subir l’interrogatoire dans le château même au cours duquel elle avoua que cet enfant n’était pas du fait de son époux mais d’un autre homme dont elle ne voulait pas déclarer le nom. Alors que le juge décida, au vu de l’état de la marquise, de tenir le procès au château, le marquis protesta depuis sa prison et exigea que ce procès se fasse en l’auditoire de Château-du-Loir.
Le 1er juillet, bien que les médecins la déclaraient intransportable, Marie-Sidonia fut emmenée dans un carrosse. Cependant, se trouvant mal, ils durent rebrousser chemin, la transporter dans une chaise pour la remettre dans son lit. Le juge trouva un lieu proche, hors du château, pour tenir tribunal, estimant que Marie-Sidonia avait toutefois assez de forces pour y être transportée et y accoucher étant donné que l’enfant bâtard ne devait pas venir au monde dans le château du marquis.
Le 4 juillet, elle y fut transportée et accoucha d’une fille le 9 juillet. L’enfant fut aussitôt baptisée, inscrite sous le nom de sa mère et de père inconnu ; elle fut mis en nourrice chez un habitant du village où elle mourut 5 semaines plus tard.
Le 11 août, après que la marquise se soit reposée, elle fut transportée à Château-du-Loir, où elle serait gardée chez un maître chirurgien en attendant son procès.
Son présumé séducteur avait réussi à fuir et ne s’était pas présenté au procès.

C’est le 19 août que la marquise donna sa version dans une requête au Parlement, déclarant son époux être le père. Selon elle, son mari avait soudoyé son geôlier pour qu'il puisse aller voir sa femme dans son château, et constater si elle était sous la bonne garde de sa mère. Venu secrètement au château, il l’aurait prise de force et s’était retourné à la Conciergerie lorsqu’il s’était assuré qu’elle fut tombée enceinte. Le complot avait pour but d’accuser la marquise d’adultère et de s’emparer de ses biens et de sa fortune. Elle avoua avoir déclaré qu’il n’était pas le père sous la menace et les contraintes dont elle avait fait l’objet. De fait, l’instruction avait été bien expéditive, partiale et surtout sans aucun respect du droit et de la justice, et de son état. Ainsi, elle protesta de nullité tous les actes qu’elle avait pu signer, signature obtenue sous la contrainte.
Le 7 septembre, Marie-Sidonia subit un nouvel interrogatoire au terme duquel elle fut déclarée coupable d’adultère. Le séducteur fut condamné par contumace à être pendu à une potence qui serait dressée sur la place du marché de Château-du-Loir, sentence exécutée en effigie du fait de sa fuite, ses biens confisqués. Marie-Sidonia fut condamnée à être enfermée deux ans en un couvent royal près de Château-du-Loir ; si au terme de ces deux années son époux ne voulait pas la reprendre, elle devait y terminer ses jours. Elle fut privée de sa dot et de tous les biens qu’elle avait apportés en mariage pour être remis à son époux. Elle disposerait, cependant pour payer les frais de sa retraite et le train d’une dame de son lignage, pour payer sa pension à l’abbaye et les gages des filles qui seraient attachées à son service, d’une somme de 3600 livres par an.

Les deux époux firent appel de cette sentence ; le Parlement ordonna le transfert de Marie-Sidonia à la Conciergerie, le 13 septembre, puis son déplacement le 16 au Petit-Châtelet, ne pouvant être enfermée à la conciergerie du fait que son époux y était.

Le transfert de Marie-Sidonia au Petit-Châtelet n’eut pas lieu.

Dans la nuit du 16 au 17 septembre, aidée de ses amis, dont le chevalier de Rohan, qui avait déjà organisé deux ans auparavant l’évasion de la duchesse de Mazarin, s’évada, déguisée en abbé.
Elle se rendit au Luxembourg.
Le marquis, au bénéfice de cette évasion obtint le 19 mai 1670 une sentence de la cour du Parlement en sa faveur. La pension accordée à sa femme était réduite à 2.000 livres ; par ailleurs elle devrait être rasée, voilée et vêtue comme les autres religieuses pour le reste de ses jours. Cependant, même prononcé par contumace, l’appel de son épouse le privait de l’exécution de la sentence et des biens qu’il convoitait. Le marquis était la risée et sujet aux quolibets dans les repas et conversations de salons, rapportés par de nombreuses personnes de lettres dont la marquise de Sévigné.

Marie-Sidonia ne resta pas très longtemps éloignée de Paris. Elle y revint, hébergée par une amie, menant une vie joyeuse, en compagnie d’amis tels que Saint-Remy ou Rohan, prenant plaisir avec quelque amant, dont François Brûlard du Boulay. « Je veux jouir de la perte de ma réputation » disait-elle. La rumeur de son retour parvint aux oreilles de son époux et la fit arrêter. Elle fut conduite de nouveau à la Conciergerie le 28 avril 1672 et mise au cachot, le même dans lequel fut enfermé le régicide Ravaillac, n’ayant pour couche que de la paille au sol. Deux jours plus tard, on lui attribua une cellule plus digne de son rang.
Le marquis reprit aussitôt la procédure engagée contre sa femme, mais elle apprit que son présumé séducteur vivait tranquillement à l’arsenal ; il était devenu, sans être inquiété par son époux, capitaine aide-major dans un régiment. Cette découverte accréditait sa thèse de complot. Elle le fit arrêter le 14 mars. Après avoir été interrogé, ils furent confrontés trois fois de suite, les 29, 30 et 31 mars, et bien que ces confrontations montraient plutôt une complicité entre son époux et son présumé séducteur, les hommes de justice étaient plus portés à donner raison au mari. Sentant son affaire prendre une mauvaise tournure, elle envisagea une nouvelle évasion, aidée par quelques amis, dont du Boulay, et des membres de sa famille.

La marquise recevait dans sa prison, y donnait des soupers et disposait d’un laquais et d’une femme de chambre. Au terme d’un de ces soupers, le samedi 4 mars 1673, non sans avoir fait porter à son geôlier quelques bons plats et bouteilles, dans la confusion créée par la sortie de ces dames et gentilshommes qui devaient quitter les lieux à 10 h 00, Marie-Sidonia suivit la petite troupe, déguisée en laquais et tenant la traîne de la robe d’une dame ; sa servante prit sa place dans son lit. Ils trompèrent la vigilance de ses gardiens et, arrivés dans la cour, elle fut emportée dans le carrosse d’une parente, la duchesse de Villars. On alla la cacher dans une carrière de pierre souterraine abandonnée, à quelques lieues de Paris, habitée par un couple qui semblait habitué à de telles choses. D’ailleurs, lors de la 3e nuit qu’elle y passa, il y eut l’accouchement secret d’une dame de haut rang.
Ce n’est que le lendemain, à une heure de l’après-midi, que l’évasion fut découverte. La servante avait feint de dormir toute la matinée. Le geôlier, venu lui apporter le déjeuner, tirant les rideaux de sa chambre, constata avec effarement la substitution. Il mit aux fers la servante. Elle fut enfermée deux mois en prison puis elle fut relâchée. Fidèle à sa maîtresse, elle alla la rejoindre dans son exil.

Cette évasion alimenta toutes les conversations parisiennes, et le marquis en fut de nouveau la risée. Le procès fut suspendu et face à ce cas inédit, il fut décidé d’en référer directement au roi afin de savoir quel jugement adopter. Un nouvel arrêt fut prononcé le 17 juin 1673, plus favorable à Marie-Sidonia : elle était condamnée à 100.000 livres de dommages et intérêts, abandonnant sa condamnation à la réclusion à vie dans une abbaye. Une nouvelle condamnation par contumace plus favorable à la précédente était un fait rarissime dans les annales de la justice… Sans doute la sympathie qu’avait l’opinion publique pour la jeune marquise n’y était pas pour rien. Le séducteur vit aussi sa précédente condamnation révisée ; il n’était plus condamné à mort mais au bannissement pour trois ans des provinces d’Anjou et du Maine, et de Paris, et son amende fut considérablement réduite.

La marquise Marie-Sidonia avait passé 8 jours cachée dans les profondeurs de la carrière souterraine. On vint la chercher pour l’emmener dans une demeure du duc de Villars, où elle resta 48 h, avant de partir pour une nouvelle destinée, la Franche Comté. Elle fit le voyage déguisée en homme, portant une belle perruque blonde, dans le carrosse de la duchesse de Mercœur. Elle fut accueillie quelques jours par une parente au château d’Athée avant d’entrer dans un couvent à Gray.
La reprise de la guerre entre le roi de France et le roi d’Espagne, en mai 1674, obligea Marie-Sidonia à quitter le convent pour revenir au château d’Athée, château qui, de par sa position frontalière, fut rapidement visité par les officiers espagnols et en devint même un lieu de réunion, pour ne pas dire de rendez-vous. Ainsi, Marie-Sidonia put entendre l’exposition de quelques plans des Espagnols qu’elle s’empressa de révéler secrètement aux généraux français, faisant avorter ces plans de l’ennemi ; le roi informé des services rendus par Marie-Sidonia la fit complimenter par Louvois qui fut chargé de lui transmettre 10.000 écus de récompense.
La guerre faisant rage, les deux jeunes femmes furent contraintes de quitter Athée pour se rendre à Dijon, et y revenir la guerre achevée, avec la conquête de la Franche-Comté.
Cependant devenue française, la Franche-Comté entrait sous la juridiction du roi de France ; Marie-Sidonia ne pouvait plus y échapper aux poursuites engagées à son encontre.
Elle en prit conscience lorsque deux cavaliers se dirigèrent vers le château pour se saisir d’elle. La marquise et sa cousine eurent tout juste le temps de prendre quelques affaires avant de s’enfuir par une porte arrière du château à travers les champs et les bois. Bloquée par un ruisseau en crue, elles trouvèrent un colporteur qui se proposa de les porter pour le leur faire traverser. Ayant la marquise sur ses épaules, il trébucha et tous deux tombèrent dans l’eau ; le colporteur parvint tant bien que mal à achever la traversée avec la marquise. Sa compagne de voyage, refusant de tenter la même expérience, décida de rebrousser chemin et de retourner à son château, abandonnant la marquise sur l’autre rive. L’homme la conduisit dans une ferme proche, afin qu’elle y trouva asile.

La marquise avait fui sans prendre le temps de se changer, portant une robe légère de taffetas complètement trempée, la robe lui collait au corps, vision provoquant l’hilarité ou la curiosité ; insistante de ceux qui la virent, arrivée à la ferme. Ils s’imaginèrent que c’était une jeune none défroquée fuyant son couvent.
Après un souper très frugal, on lui donna un lit dans le grenier. Trois jours plus tard, le fermier partit aux nouvelles, qu’il rapporta à Marie-Sidonia. Les deux cavaliers étaient encore à sa recherche ; ils appartenaient au régiment de son mari, qui était devenu colonel de cavalerie. Ils avaient fouillé de fond en comble le château d’Athée et poursuivaient leurs recherches dans la région. Le fermier proposa à la marquise de la conduire en un asile où elle serait en sécurité, une fonderie toute proche où le maître pourrait l’accueillir. Elle y fut bien reçue, en attendant que les cavaliers à sa recherche quittent la région. Alors deux gentilshommes et sa demoiselle de compagnie revinrent la chercher pour la ramener au château d’Athée.

Alors qu’elle était revenue secrètement à Paris, avant sa deuxième incarcération, Marie-Sidonia avait noué une nouvelle intrigue amoureuse avec François Brûlard du Boulay ; à cette époque, il se remettait d’une passion amoureuse qu’il avait eue avec Armande Béjard, la veuve de Molière. Du château d’Athée, elle lui écrivit, l’informant de son désir de se rendre en Savoie, lui demandant qu’avec ses amis il plaide sa cause auprès de la duchesse de Savoie pour avoir son agrément. Elle décida d’attendre cet agrément à Genève. Elle s’y rendit avec deux femmes de service et un laquais.
Marie-Sidonia arriva à Genève le 5 novembre 1675, après quatre jours de voyage éprouvant. Se rendant à l’hôtellerie des « Trois-Rois », elle fit demander l’homme de lettre et historien Gregorio Leti qu’on lui avait recommandé. Ce dernier se rendit rapidement auprès d’elle. Il rapporta dans une lettre au duc de Giovinazzo, ambassadeur d’Espagne à la cour de Turin son entrevue :

« J'avoue à votre excellence qu'en voyant une si grande beauté je restai tout ébloui, d'autant plus qu'avec une gracieuse politesse elle s'avança vers moi pour me saluer en m'embrassant suivant l'usage français et me dit : Ne croyez pas, monsieur Leti, que je sois ici pour quelque mauvaise affaire ; la raison est que mon mari me veut et que je ne veux pas de lui. Alors je répondis en plaisantant : Certes, madame, il y en a bien d'autres qui vous voudraient, parce que votre beauté est trop grande pour être le partage d'un seul. »

Voici le portrait qu’il fit d’elle :

« Ses yeux sont deux étoiles qui semblent prouver que son visage a été fait dans les cieux plutôt que sur la terre ; il n'y a point de cœur, tel glacé qu'il puisse être, qui ne se glorifie de se soumettre à ces yeux, qui frappent doucement, mais qui font des plaies plus profondes que n'en firent jamais les plus cruels tyrans ; ce sont des dards qui blessent, des rayons qui éblouissent, des flammes qui brûlent, des bêtes féroces qui déchirent, des lances qui tuent. Certes, ils sont beaux ; à leur première vue, j'ai vu rajeunir des Xénocrates, s'agenouiller des Momus, chanter les Aristarques, s'attendrir les Gâtons, et les Solons pousser du fond du cœur des soupirs redoublés.
Que dirai-je maintenant de ces doux entretiens dans les réunions, de ce trésor de toutes les grâces, de ces lèvres de corail, de ces dents plus belles que les perles, de ce délicieux sourire, enfin de la plus belle bouche que la nature ait jamais formée ! II faudrait être amant comme Myrtil, pour pouvoir décrire suffisamment bien la bouche d'une autre Amarillys. Celui qui va la visiter ne redoute que son
Silence ; chacune de ses paroles forme une nouvelle âme dans le sein de celui qui l'écoute ; la douceur du nectar coule de cette adorable bouche ; elle distille la saveur de la manne, surpasse le goût de la datte, la suavité du miel et la salutaire substance du sucre. Cicéron, qui savait par expérience tout ce que valait la bouche d'Aristote, écrivait : que de cette bouche découlait un fleuve d'or à chaque parole.

Eh bien ! je ne crains pas de dire que chaque parole qui tombe de la bouche de cette dame produit une mer de pierres précieuses. Que ceux qui veulent oublier leurs peines aillent l'écouter, car elle est semblable au temple du dieu des Lydiens, dont on disait que, lorsqu'il s'ouvrait, il ôtait à tous les chaînes des soucis et des plus grands chagrins. Il semble qu'autour de cette pèche de perles on recueille les grâces les plus remarquables ; chacune de ses paroles étant une grâce, il n'est donc pas étonnant que tous les cœurs se groupent autour d'elle, et que les pensées de ceux qui l'écoutent ne puissent plus la quitter. Je dirai de plus qu'il s'échappe de sa bouche des chaînes d'or comme il en sortait de celle de Mercure pour enchaîner ses auditeurs ; et ce qui le prouve, c'est que personne ne pourrait la quitter si on ne s'y trouvait nécessairement forcé par la crainte de se rendre importun. Oh ! Mon Dieu, quels frais sourires ! Quelles fleurs agréables ! Quelles paroles embaumées ! Quel paradis terrestre ! On voit semé sur son visage quelques petits grains de petite vérole qui semblent l'émail de pierres précieuses sur une figure d'albâtre ; je crois que la nature laissa ces signes gracieux pour prouver qu'elle avait contribué à la formation de cette rare beauté ; sans eux, il y en aurait eu beaucoup certainement qui l'auraient encensée comme une œuvre plus céleste qu'humaine.

Mais que dirais-je de la voie lactée de cette dame qui conduit au cœur? Comment en parler, de quelles expressions me servir ? Je suis déjà trop âgé, trop endurci au travail pour décrire avec mon encre la blancheur d'un sein mou comme du coton enfermé dans une boîte ; je parle de ce sein né sur cette Seine qui donne la vie à tant de ruisseaux bordés de lys. Oh ! Quelle poitrine ! Quelle gorge ! Oh! Quelle porte d'or et doit-on s'étonner que pour l'enlever il se soit trouvé tant de Jasons qui se soient risqués à combattre contre le dragon de la jalousie et contre la vengeance d'un mari ? En disant que, des pieds à la tête de cette dame, ce ne sont que merveilles de la nature, je dirais peu et peut-être ne serais-je pas cru ; et pourtant il est certain que sa beauté, qui est un miracle du siècle, ne forme que la moindre partie de ses mérites (…). »

Leti trouva à la marquise un logement le temps de son séjour à Genève. Il lui apprit l’italien ; aimait se promener dans la ville en sa compagnie et être vu ainsi à ses côtés aux yeux des passants qui se pressaient pour la voir et l’admirer. Bientôt, une petite cour se forma autour d’elle, venant la visiter, et se faisant adopter par la société genevoise. Elle partageait son temps à la chasse, à sa correspondance, en particulier avec du Boulay, qui vint la voir plusieurs fois à Genève. Cependant, ses obligations militaires l’empêchaient de rester près d’elle et l’obligeait à s’en éloigner. Tandis qu’il compromettait sa fortune par les dépenses qu’entraînaient les services rendues à la marquise, sa carrière militaire, renonçant à l’avancement, et se refusait à de riches mariages, le temps de ces longues absences, Marie-Sidonia se laissait aller à quelques nouvelles intrigues amoureuses.
Las de ses infidélités, du Boulay rompit et envoya des lettres diffamantes à toutes la société genevoise qu’elle fréquentait. Elle dut quitter Genève pour se rendre à Annecy, où elle se retira dans un monastère, attendant toujours l’agrément de la duchesse de Savoie. Ne voulant rester trop longtemps à la charge des religieuses, elle se rendit dans un couvent à Avignon où elle était sous la protection du vice-légat, sur la recommandation de son oncle, le duc de Villars.

Apprenant que la duchesse de Mazarin avait obtenu une pension du roi d’Angleterre, après être passée par Munich, elle décida de s’y rendre, incognito, espérant les mêmes faveurs. Elle alla d’abord en Bretagne, puis à La Rochelle et de là gagna Jersey. Le 17 juillet elle était à Londres. Munie d’une lettre de recommandation pour l’ambassadeur de France auprès du roi Charles II, M. Courtin, ce dernier s’empressa d’aller lui rendre visite et en informa de ci-tôt Louvois.
Rapidement, sa beauté provoqua la jalousie des femmes de la cour. La duchesse de Mazarin, qui fut autrefois son amie avant qu’elle ne se brouille pour le beau marquis de Cavoy fit tout pour l’éviter et refusa même de la recevoir. Faute de ressources, elle dut quitter Londres pour retourner début septembre au couvent d’Avignon qu’elle avait quitté.

Elle y apprit le décès de son mari d’une pleurésie le 26 août 1678.

A la nouvelle du décès de son époux, Marie-Sidonia décida de se rapprocher de Paris, afin de mettre un terme aux procédures judiciaires qui avaient été engagées contre elles et pour réclamer la restitution de ses biens dont les héritiers du marquis s’étaient emparés.
Sa présence à Paris était indésirable pour quelques puissants et elle ne put, comme elle l’aurait souhaiter, se rendre dans un couvent parisien, l’archevêque de Paris, à la demande de son neveu, le maréchal de Villeroy, ayant interdit tout couvent de la recevoir.
Persuadée, malgré les avertissements qu’elle ait pu recevoir, qu’elle n’avait plus rien à craindre pour sa liberté, Marie-Sidonia s’établit dans un hôtel et y monta une maison digne de son rang, avec équipage, domestiques, dans une maison louée près de la rue Saint-Antoine. Elle fit rapidement connaissance des dames de qualité de son voisinage et devint même assidue de la maison des Jésuites qui était dans la même rue en véritable pénitente.

Cependant, les héritiers de son mari ne perdaient pas espoir de pouvoir mettre à exécution la condamnation par contumace qui pesait encore sur elle. Le 21 décembre 1678, tandis qu’elle montait en carrosse pour aller entendre la messe chez les Jésuites, des soldats firent irruption dans la cour de son hôtel. L’intendant de sa maison fit tout pour les retarder, le temps qu’elle aille se cacher. Elle se réfugia sur le toit entre deux cheminées où, après deux heures de fouille de la maison, elle fut découverte et menée sans ménagement à la Conciergerie. La marquise était cette fois-ci particulièrement bien gardée, ne pouvant communiquer avec l’extérieur. Elle trouva moyen, grâce à l’intendant de sa maison qui avait pu la visiter, de faire avertir les membres de sa famille dont son oncle le duc de Villars, cependant absent de Paris, ou encore sa tante abbesse du couvent où elle avait passé son enfance.

Le frère du défunt marquis s’estimait avoir hérité des jugements prononcés au profit de ce dernier et reprit les poursuites à l’encontre de sa belle-sœur. Il présenta une requête le 9 janvier 1679. Il n’entendait pas perdre le bénéfice d’une grosse fortune dont il avait profité jusqu’alors, tandis que la marquise était en exil.
Après trois semaines de détention des plus strictes, elle put enfin voir librement ses avocats et conseils. Amis et famille s’engagèrent aussi dans des démarches auprès du Parlement de Paris. Son sort, alors s’assouplit et elle put quitter sa cellule pour louer et occuper un appartement de deux chambres plus spacieuses et salubres. Elle reprit avec elle sa fidèle servante et son laquais, et put recevoir. Les geôliers et gardiens étaient gratifiées de menus présents et « étrennes », sans que ces derniers relâchent leur vigilance, n’ayant pas oublié son évasion.
Pour occuper son temps, elle se mit à la tapisserie et à la broderie, faisant venir quelques habiles ouvrières de Paris pour l’aider. Avec la compagnie qui venait la visiter, elle composait des vers ou de la prose, énigmes et charades. Ils consacraient aussi beaucoup de temps à la lecture. Elle écrivait : correspondance, avec ses amis et sa famille, courriers pour son procès ou encore rédigeait ses mémoires, contant ses aventures, ou plutôt ses mésaventures. Elle fit carnaval, et carême. À cette occasion, elle obtint l’autorisation d’aller visiter les prisonniers dans leurs cachots comme il était de coutume de faire pour une grande dame. Elle allait encore presque tous les jours à la messe.
Elle reçut la visite de Gregorio Leti, alors de passage à Paris.
Son séjour à la conciergerie dura un an.

Le 20 décembre 1679 débutait son jugement. À son audition, elle fit grande impression.
L’arrêt du jugement tomba le 5 janvier 1680, condamnant la marquise à payer soixante mille livres à titre de dommages et intérêts au frère de son défunt époux, somme d’autant plus considérable qu’on n’avait pas compté ce que le marquis et sa famille avaient dépensé sur la fortune et les biens de la marquise. Cependant, la marquise en fut très heureuse car par ce sacrifice considérable elle allait retrouver sa liberté et mettre un terme à ce procès qui n’en finissait pas. Il lui fallut s’engager à vendre une bonne partie de ses terres et biens mais deux jours plus tard, le 7 janvier 1680, elle sortait libre de la Conciergerie.
Elle reloua un hôtel, remonta une maison et un train.
Elle reparut cet hiver-là dans quelques bals masqués.
On ne sait que peu de choses sur les mois qui suivirent.
Elle alla souvent, semble-t-il, séjourner dans le château de ses ancêtres, à Marolles.

En 1685, elle fit, comme sa mère, un mariage morganatique, épousant un capitaine de dragons.
Elle décéda la même année, à 35 ans.
Les mauvaises langues diront de la vérole…






[1] Louis François de Villars-Brancas,  Pair de France, Maréchal de Camp. Il avait épousé en premières noces, en 1649, Madeleine Claire de Lénoncourt.
[2] Edouard-François Colbert, comte de Maulévrier et de Cholet, alors capitaine-lieutenant des Mousquetaires.
[3] Elle avait épousé en 1625 Thomas-François de Savoie-Carignan (1596-1656), descendant des Maisons de Savoie, de Habsbourg, de Valois, de Médicis et d'Aviz, fils de Charles-Emmanuel Ier de Savoie (1562-1630) et de Catherine Michelle d'Espagne (1567-1597), cette dernière étant, par sa mère Elisabeth, petite-fille d'Henri II de France et de Catherine de Médicis, et par son père Philippe II, petite-fille de Charles Quint et d'Isabelle de Portugal.
[4] Jean-Jacques Charon, marquis de Menars, alors conseiller au parlement de Paris.
[5] Ou hôtel de la Reine, palais, construit au XVIe siècle par la reine Catherine de Médicis dans le cœur de Paris - à l'emplacement approximatif de l'actuelle bourse de commerce dans le quartier les Halles. Il tire son nom du comte de Soissons (cousin du roi Henri IV) qui en fut un des propriétaires.
[6] Fille du baron Michel Mancini et de Geronima Mazzarini, nièce du cardinal Mazarin, épouse d’Eugène-Maurice de Savoie-Carignan, comte de Soissons. Elle est réputée pour ses intrigues et complots à la cour (dont sa compromission dans « l’affaire des poisons » qui la contraint à l’exil).
[7] Marie Aimée de Rohan, fille de Hercule de Rohan, duc de Montbazon et de Madeleine de Lenoncourt.
[8] Louise de Savoie-Carignan, épouse de Ferdinand-Maximilien de Bade-Bade.
[9] Nicolas V de Neufville, Pair de France,  maréchal de France.
[10] François Michel Le Tellier, marquis de Louvois, fils du chancelier Michel Le Tellier, marquis de Barbezieux, qui lui obtient de Louis XIV, en 1655, la transmission de sa charge de secrétaire d'État de la Guerre ; il n'avait pas même quinze ans.
[11] François de Neufville, marquis de Villeroy.
[12] Catherine Charlotte de Gramont, fille du duc Antoine de Gramont, maréchal de France, et de Françoise Marguerite de Chivré, nièce du Cardinal de Richelieu. Elle eut de nombreux amants à la cour dont le roi lui-même en 1665.

dimanche 28 mai 2017

Note de lecture : Alexandre Maral, "François Girardon (1628-1715) - Le sculpteur de Louis XIV"

Alexandre Maral,   François Girardon (1628-1715) - Le sculpteur de Louis XIV, Paris, Arthena, 2016 (ISBN : 978-2-903239-55-8) ; suivi de l’étude François Girardon collectionneur par Françoise de La Moureyre (pp.414-461).



 « Quelle fâcheuse idée que de mourir trois heures avant le Grand Roi ! »

C’est avec cette phrase que Catherine Pégard débute son avant-propos.

   Le 1er septembre 1715, François Girardon rendait l’âme aux Gobelins, à l’âge de 87 ans et six mois. Quelques heures plus tard, s’éteignait à Versailles le souverain au service duquel il avait mis ses ciseaux, à 77 ans.
   Peu avant sa mort, Boileau l’avait qualifié de « Phidias de notre âge », avant qu’il ne connaisse un long purgatoire, pour reprendre le mot de Geneviève Bresc-Bautier, auteure de la préface, une disgrâce qu’il connut dès son vivant même. En 1700, il avait été écarté par Jules Hardouin-Mansart et éclipsé par d’autres sculpteurs tels que Coysevox. Sculpteur du « Roi Absolu », il fut ignoré des historiens républicains ou romantiques, avant d’être réhabilité à partir de la seconde moitié du XXe siècle, suscitant cependant une nouvelle controverse quant à la nature baroque ou classique de son œuvre.
   Alexandre Maral dépasse ces considérations montrant la figure riche et complexe du sculpteur dans une immense et exceptionnelle monographie de 580 pages. La sculpture livre rarement de telles études paraissant  moins accessible au profane que la peinture.

   Baptisé  à Troyes le mardi 17 mars 1628 en l’église Saint-Remy, il est le fils de Nicolas Girardon, fondeur, et de Anne Saingevin. Il aura deux frères, Jacques et Nicolas, et une sœur, Élisabeth. Jacques deviendra procureur de l’Élection de Troyes, Nicolas sera curé et Élisabeth épousera Jean-Baptiste Camusat, marchand pelletier.
   C’est sans doute auprès de son père qu’il fit ses débuts - Girardon traduira au cours de sa carrière nombre de ses œuvres en bronze – et c’est auprès du sculpteur Claude Beaudesson qu’il fit son apprentissage. Il avait à Troyes de nombreuses œuvres à contempler outre la statuaire remarquable du XVIe siècle et en particulier celle de François Gentil et de Dominique Florentin, les sculptures monumentales de Guillaume Bertelot et de Philippe de Buyster : les tombeaux du maréchal Charles de Choiseul-Praslin et celui de son fils Roger de Choiseul-Praslin, dans le chœur de la cathédrale de Troyes. La Vierge au calvaire de l’église du couvent des Cordelier, attribuée à Dominique Florentin ou François Gentil, aujourd’hui conservée en la collégiale Saint-Urbain, aurait influencé son morceau de réception à l’Académie de peinture et de sculpture, la Vierge de douleur ou Mater Dolorosa, conservée au Louvre.
   Sa première œuvre mentionnée, aujourd’hui disparue, aurait été selon Mariette et Grosley un cycle de fresques sur la vie de sainte Jule, pour la chapelle Sainte-Jule, hors les murs de la ville, qualifiée par le premier de « médiocre » et de « détrempe assez mauvaise » pour le second ; il aurait eu alors 15 ans. Ce premier essai dans la peinture laisse supposer qu’il ait pu être influencé par le milieu actif des peintres à Troyes dont le plus éminent fut Jacques de Létin, revenu s’installer à Troyes en 1629 après un long séjour à Rome (1622-1625).
   Sa première sculpture fut mentionnée encore par Grosley : une Vierge en pierre.

   Une rencontre fut déterminante. Le chancelier Pierre Séguier avait fait l’acquisition du château de Saint-Liébault en 1647 (aujourd’hui Estissac) ; il fit appel à Claude Beaudesson pour qu’il y exécute des travaux. Girardon, qui accompagnait son maître, fut alors remarqué par le chancelier.  Grâce à ce protecteur providentiel, Girardon partit assez rapidement à Rome, à l’imitation du peintre troyen Jacques de Létin, occasion encore peu fréquente à cette époque, où il put retrouver son compatriote le peintre Pierre Mignard. La cité des papes se voyait alors s’enrichir d’œuvres majeurs des grands sculpteurs d’alors : Le Bernin, Borromini et l’Algarde.
   Girardon serait de retour à Troyes entre 1650 ou 1652. Il répondit alors à la commande d’un  dénommé Eustache Quinot, collectionneur, fils de Jacob Quinot, avocat au Conseil : des bustes et ornements pour son hôtel rue du Bois, dont, sur une cheminée deux statues de grandeur nature et un vase.  Peu après, il monta à Paris pour entrer sous la protection du chancelier Séguier qui lui fit attribuer une pension annuelle ; à l’hôtel Séguier, il se lia d’amitié avec Charles Le Brun.

   Paris était alors un grand chantier artistique ; Girardon fut intégré à cette intense activité artistique sans doute grâce à ses relations avec Le Brun ou Jacques Sarazin, un des fondateurs de l’Académie royale de peinture et de sculpture et dont Séguier était le protecteur.  Ces relations lui ouvrirent alors les portes de chantiers parisiens, en collaboration avec des artistes de l’Académie : en 1653, des statues de saint François et saint Antoine de Padoue en la chapelle de Notre-Dame-de-Paix de l’église du couvent des Capucins, puis des médaillons pour le monument élevé en l’honneur de la paix dans la cour de l’hôtel de ville de Paris, monument représentant Louis XIV terrassant la Rébellion, sous la direction de Gilles Guérin. Toujours avec ce dernier, il participa au chantier de décoration des appartements royaux du Louvre, en 1654. Il fut ensuite enrôlé dans l’équipe qui, sous la conduite de Le Brun, œuvra pour Fouquet à Vaux  puis, toujours sous la conduite de Le Brun, premier peintre du roi, successivement à la galerie d’Apollon du Louvre, à Fontainebleau, aux Tuileries, s’illustrant  dans les réalisations en stuc, technique qu’il avait acquise lors de son séjour romain. Cependant, se consacrant ensuite à Versailles, il abandonna le stuc pour passer maître dans la sculpture de marbre.        En 1673, il réalisa la seule commande connue que lui fit Colbert pour son château de Sceaux, une Minerve au-dessus du fronton triangulaire de la façade.
   Entre temps, le 6 janvier 1657, Girardon fut admis à l’Académie de peinture et de sculpture. Il y devint professeur en 1659, adjoint-recteur à partir de 1672, recteur à partir de 1674, chancelier en 1695. Dès 1667, Girardon logea sous la Grande Galerie du Louvre.
   À partir de 1668, Girardon allait se consacrer presque exclusivement aux commandes royales. En 1668, il fut envoyé à Toulon pour le décor sculpté du navire du roi, le Royal-Louis, puis, après un séjour en Italie, d’autres vaisseaux du roi, dont le Dauphin-Royal. Girardon réalisa un nouveau périple italien : Gênes, carrières de Carrare, Florence, Sienne, Pise, Mantoue, Bologne, Parme, Rome, tant à la découverte des œuvres antiques, dont la colonne Trajane de laquelle Colbert commanda des moulages, qu’à la rencontre d’artistes et d’œuvres plus récentes.  À Rome, il se rendit à l’Académie de France, fondée en 1666. Il rencontra encore Le Bernin à qui Colbert avait commandé une statue de Louis XIV à cheval. Il acheva son voyage par Venise et Milan.
   Girardon s’imposait à Versailles ; son premier chef-d’œuvre fut le groupe d’Apollon servi par les nymphes, sculpté avec la collaboration de Regnaudin entre 1666 et 1674.  Il allait peupler Versailles et ses jardins de ses créations : le Bain des Nymphes, la statue de l’Hiver, l’Enlèvement de Proserpine par Pluton

   Les années 1682-83 marquèrent un tournant. Tandis que le roi s’installait de façon permanente à Versailles, Louvois remplaçait Colbert, suite à sa disparition en septembre 1683, à surintendance des Bâtiments du roi. Une nouvelle équipe se mettait en place autour Louvois : Hardouin-Mansart, Girardon et Mignard. Girardon devenait maître d’œuvre ; bosquet de la Renommée,  bosquet de l’Arc de triomphe, cour et façades du château, fronton de la cour de Marbre, bronze du parterre d’Eau… puis, dans les années 1690, le programme sculpté du Dôme des Invalides.

   Dès 1673, sur le chantier de la porte Saint-Denis, Girardon s’imposait comme le spécialiste de l’effigie royale.  Il réalisa le Louis XIV à cheval de la place Vendôme entre 1685 et 1694. Ayant définit l’image officielle royale, il la diffusa à Versailles, à Paris, en province, sollicité par les édiles locaux ou lors de fêtes éphémères.
   Il entreprit de sa propre initiative de faire don d’une telle effigie à sa ville natale.  Il aurait projeté de réaliser une place royale au-devant de l’hôtel de ville de Troyes sur laquelle il aurait dressé, entre la Belle Croix, chef d’œuvre de bronze de la fin du XVe siècle, et un obélisque de marbre, sur le piédestal duquel il aurait sculpté des faits de l’histoire de Troyes, une statue équestre de Louis XIV. Ce projet, jamais réalisé, fut sans doute imaginé avant 1683. Girardon s’en tint à une œuvre plus modeste. En 1687, il fit don à la Ville de Troyes d’un médaillon représentant Louis XIV. Déposé à Troyes chez son frère Jacques, procureur en l’Élection de Troyes, la ville organisa une grande cérémonie pour aller chercher le médaillon, à laquelle fut présent François Girardon. Au travers de ce médaillon, c’est la personne du roi même qui était reçue, en la journée du 2 septembre ; milices bourgeoises en armes pour accompagner le cortège de toutes les autorités de la ville au son des fifres et tambours. Quatre hommes à la livrée de la ville portaient le médaillon posé sur un tapis de velours cramoisi à franges d’or et semé de fleurs de lys d’or. L’hôtel de ville était orné de festons aux armes du roi. On but à la santé du roi du vin de champagne et quatre fontaines de vin furent dressées dans la ville pour la population ; réjouissances et bals furent encore organisés. Cloches et artillerie avaient résonné dans la ville et la nuit la ville fut illuminée. Pour l’occasion, les boutiques et les tribunaux avaient été fermés. Girardon revint en 1690 pour poser le médaillon sur la cheminée de la grande salle de l’hôtel de ville dans une composition destinée à la mettre en valeur et accompagnée d’une inscription en latin dont Racine était l’auteur.


Troyes, cheminée de la grande salle l'Hôtel de Ville


Médaillon de Louis XIV
   Ce n’était pas sa première réalisation dans sa ville natale. Il avait déjà répondu à des commandes particulières. Selon Grosley, pour Monsieur Dare, seigneur de Vaudes et maire de Troyes en 1676, il avait sculpté vingt bustes de rois et reines de France et d’empereurs d’après des antiques. Il avait encore répondu encore à une commande locale, deux véritables chefs d’œuvres, les bustes de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche, pour orner le château du marquis de Villacerf, Édouard Colbert, cousin du ministre et de Louvois. Ces bustes sont aujourd’hui conservés au musée des Beaux-Arts de Troyes. Il réalisa de nombreux autres bustes dont ceux de ses proches, de ses  amis et de puissants du royaume : Boileau, Louvois, Colbert de Villacerf, Villeroy.

   Girardon réalisa par ailleurs des œuvres religieuses. Il laissa à Troyes des réalisations qui marquèrent, comme le médaillon de Louis XIV, son attachement à sa ville natale et en tout premier à l’église dans laquelle il fut baptisé, Saint-Remy. Girardon aurait offert en 1671 une relique de saint Roch enchâssée dans un piédestal   supportant un ange d’argent. Il a disparu aujourd’hui. En décembre 1686, il passait commande d’une grille pour fermer le cœur de l’église au serrurier parisien Denis Caffin ; le 30 mars 1690, il posait un Christ crucifié de bronze sur cette grille accompagné de deux colombes. En récompense de ce don, le curé de Saint-Remy et les membres de la fabrique décidèrent de faire chanter devant la croix, à perpétuité, à l’issue des vêpres de chaque dimanche, un hymne de la croix, suivit d’un De Profondis, collectes et oraisons pour le repos de son âme. Parallèlement, le 5 juillet 1691, Girardon fondait une messe basse tous les vendredis pour le repos de l’âme de ses parents contre une somme de 1000 livres. Deux tables de fondation témoignent encore de ces dons, en l’église de Saint-Remy. Girardon se montra encore, par la suite, très généreux à l’égard de l’église de son baptême et des pauvres de la paroisse.


Christ crucifié, église Saint-Remy de Troyes

   L’année suivante, en 1692, il travailla pour l’église Saint-Jean-au-Marché. Le conseil de la fabrique lui commanda un tabernacle pour le maître autel. Celui-ci est fort semblable à celui qu’il avait réalisé pour la chapelle royale de Fontainebleau, de marbre et aux ornements de bronze doré, dont un certain nombre ont disparu aujourd’hui [1]. La même année, les membres de la confrérie du Saint-Ciboire de Saint-Jean-au-Marché firent appelle à Girardon pour la réalisation de l’autel de leur chapelle.
Nous devons encore à François Girardon, en-dehors des commandes officielles, des monuments funéraires ; une douzaine en tant que collaborateur et une dizaine en tant que concepteur dont celui de Mazarin, dans la chapelle de la Sorbonne, considéré comme l’un de ses chefs-d’œuvre.


Tabernacle du maître autel, église Saint-Jean-au-Marché de Troyes

   À la suite du chantier de la statue équestre de la place Vendôme et celui des Invalides, Girardon entra en conflit avec Hardouin-Mansart. En 1700, Girardon entrait en disgrâce, pour avoir revendiqué sa capacité à concevoir  aux Invalides et à la place Vendôme, face au surintendant des Bâtiments du roi, Hardouin-Mansart. Il se consacra alors à la promotion de sa « Gallerie », sa collection, qui devint rapidement célèbre.

   Dès 1690, il avait vu disparaître tous ses amis et es proches, son épouse en 1698, et sept de ses dix enfants. En 1712, sa famille obtint du Parlement de Paris une sentence d’interdiction et placé sous la curatelle de Jacques Martinot qui devint administrateur de ses biens. La galerie fut fermée de trois serrures dont les clefs fut remisent à trois membres différents de la famille. Ses biens furent inventoriés.

   Girardon décéda au Louvre le 1er septembre 1715 à l’âge de 87 ans. Il fut inhumé le 2 septembre à Saint-Germain-L’auxerrois, au pied de la Descente de croix.

   Avec cette immense monographie, Alexandre Maral sort définitivement François Girardon de son purgatoire le plaçant dans le panthéon des grands artistes français et tout particulièrement l’un des plus grands sculpteurs du XVIIe siècle qui a laissé une œuvre considérable, riche et complexe, dépassant le cadre « académique » des styles baroque, classique ou louis-quatorzien. Cette étude permet de mettre en relief les œuvres qu’il a laissées localement, à Troyes ou en Champagne, et de les considérer à leur juste valeur, à la mesure de ce qu’il produisit pour le roi, ses amis et proches ou  grands du royaume.  

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samedi 18 mars 2017

Aux origines du château de Vaux...

Aux Journées Européennes du Patrimoine 2004, le château de Vaux était ouvert pour la première fois au public, l'espace d'un week-end, par les soins de l'association « Patrimoine Barséquanais ». À cette occasion, j’avais rédigé une petite notice à l’attention des visiteurs, un peu corrigée depuis.

Château de Vaux

Cette histoire nous plonge dans les puissantes familles de la noble-bourgeoisie troyennes du XVIe siècle, qui avaient manifesté leur ascension dans la noblesse de robe au service du roi en la réalisation de châteaux dans leurs domaines de campagne. La famille d’Aubeterre et le château de Vaux en sont une des manifestations les plus remarquables.    

Au XIIIe siècle, Vaux était une grange seigneuriale, un gagnage, qui dépendait de la seigneurie de Jully le Chastel. Vaux était l'une des quatre exploitations en faire valloir direct ; les trois autres étaient : Jully, Charmets et la Voyvre (Arch. dép. Côte d'Or, B 502 f° 7 r° et v°).

En 1553, "Vaulx" était devenu un hameau dépendant de la châtellenie de Jully le Chastel, une metairie tenue à censive du seigneur de Nevers qui tenait la seigneurie de Juilly. C'était alors  François Ier de Clèves (1516 – 1561), comte, puis premier duc de Nevers (1539), comte de Rethel, d'Eu et de Beaufort. Il s'était marié en 1538 à Marguerite de Bourbon-Vendôme (1516 – 1589), fille de Charles (IV) de Bourbon duc de Vendôme.

À partir de 1570, les d’Aubeterre furent seigneurs de Vaux ; Jean d’Aubeterre est mentionné propriétaire du "vieux château" à cette date. À quelle date avait-il été bâti ? Les d’Aubeterre étaient des « nobles-bourgeois troyens », alliés à d’autres puissantes familles de cette ville telles que les de Pleurs, les Mauroy et les Mesgrigny. Jean d’Aubeterre fut échevin puis maire de la ville de Troyes en 1588.

Nous n’avons pas de descriptions de ce « vieux château » avant le XVIIe siècle. 

Jean-Baptiste, petit-fils de Jean, obtint en 1631 de l’évêque René Breslay l’autorisation de faire célébrer la messe dans la chapelle érigée dans le château [1], moyennant quelques conditions : 

« qu’elle soit en lieu [   ] et hors des offices dud. logis, qu’il n’y ait dessus, à costé, dessous, chambres, escuries, pourcerie, sommellerie, buchers ou autres offices dont l’on se sert ordinairement pour la commodité des logis. Et aussi quelle soit parée, ornée d’autel commode et de pierre consacrée... »

Jean-Baptiste d’Aubeterre rencontra de lourdes difficultés financières, ne parvenant à rembourser une créance de 2400 livres dûe à Jean Le Mairat, seigneur de Droupt-Saint-Basle, conseiller au Grand Conseil, maire de Troyes, autre membre de cette noble-bourgeoisie troyenne (il avait fait édifier le château de Barberey-Saint-Sulpice en 1626). Ce dernier obtint la saisie des biens de Jean d’Aubeterre. Cependant, de nombreux procès ne firent que retarder la vente aux enchères de Vaux et l'annuler en 1690.

Ces saisies nous permettent d’avoir une brève description du château de Vaux en 1640 :

« Le dict lieu de Vaux consiste en une maison seigneurialle, fermée de muraille et de fossés à l’entour auxquels il y a pont levis. Ladicte maison et bâtiment couverts de thuilles plombées, thuille commune et ardoises, il y a chambres basses, chambres hautes, greniers, cours, granges, escuries, thuillerie, bergeries, grand clos de jardin, accins (vergers)... »

Le château et ses dépendances, fermé de murailles comprenait sept arpents. 

Une autre visite du château, faite dans l’intention de faire des réparations au château en 1670 [2] donnent quelques autres détails. Il y avait une cuisine voûtée, tout comme les autres pièces du bas : deux cabinets, un pouillé, un cellier et la chapelle. Les voûtes de cette dernière étaient en mauvais état. Toutes les boiseries étaient à remplacer. L’écurie aux chevaux était proche des fossés et du jardin. Pour la première fois, un colombier était mentionné, tout comme un pressoir, un puits et un « donjon ».

Jean-Baptiste d’Aubeterre décéda en 1693 ; Jacques II d’Aubeterre, capitaine de cavalerie, lui succèda. Le 27 février 1706, il se mariait avec Gabrielle Félicité Hennequin, l'une des familles les plus illustres de Troyes. L’année suivante, il faisait l’acquisition de la baronnie de Jully-au-Chastel, saisie sur la succession du duc de Choiseul [3]. Juilly fut érigée en comté en 1715. Quelques années plus tard, le château de Vaux fut détruit dans un incendie (avant 1719 [4]). Une visite par le curé de Fouchères en octobre 1721 permet de constater que la chapelle était en état de remplir son office [5].

Fort de son nouveau titre de baron et dès 1719, Jacques d’Aubeterre projeta de reconstruire le château mais il ne se contenta, semble-t-il que de le réparer. En 1723, il conclut un marché pour de la couverture qu’il dut refaire faire en 1725 suite à des malfaçons. Mais on ne sait s'il s’agissait du château ou des communs. Cependant, certains auteurs estiment qu'il s'agissait de la construction de l'actuel château. Mais commence-t-on par la toiture ?

Château de Vaux

Jacques d'Aubeterre décéda en 1726 avant de ne pouvoir achever son projet ou tout au moins le commencer. C’est son fils Jean-Jacques d’Aubeterre qui entreprit véritablement la reconstruction du château. Chambellan de l’empereur Charles VII (qui meurt en 1745) puis capitaine des gardes à pied de l’Électeur de Bavière, il ne peut entreprendre la reprise du projet qu’à son retour en France, au début des années 1750 et avant 1754, date de sa mort. De fait, aux Archives Nationales sont conservés des plans et projets pour le nouveau château datés de septembre 1752, réalisés par le sieur Boifranc, soit Germain Boffrand, architecte du roi [6]. Sans doute trop âgé pour en suivre les travaux (il avait alors 85 ans et décéda deux années plus tard, en 1754) l'exécution des travaux fut réalisée par l'architecte Philippe Delaforce [7] qui en modifia quelque peu les plans. 

Château de Vaux

Nous pouvons considérer que l’essentiel du château de Vaux comme achevé à cette date ; il restait encore sans doute à terminer l'aménagement intérieur.

La seigneurie de Vaux passa alors aux mains de la famille de La Rue. Le nouveau seigneur, Claude-Joseph de la Rue, seigneur de Mareilles, était neveu de Jean-Jacques d'Aubeterre par sa mère, Louise-Marie d'Aubeterre. Elle ne resta pas longtemps dans la famille : elle fut acquise  le 16 mars 1760 François Rémond, marquis de Monmort, seigneur de Gyé, Neuville et Courteron [8].


Il est depuis 2015 la propriété d'Édouard Guyot.

Château de Vaux

  Pour plus de photos de l'état actuel (août 2016) : Cliquer ici

Voir le site du Château : http://www.chateau-vaux.com/




[1] Arch. dép. Aube, G 646
[2] Arch. dép Aube, 1 B 1089
[3] Arch. dép. Aube, E 162
[4] 5 B 224 f° 11 v°
[5] Arch. dép. Aube, G 646
[7] Philippe Delaforce ou de La Force fut nommé ingénieur des Ponts et Chaussées de la généralité de Châlons le 13 août 1726. Il fut reconnu seigneur de Verrières et Saint-Aventin en 1731. Il supervisa de nombreux ouvrages d'art dans la région dont le pont à sept arches de Fouchères (1734). Nous lui devons la reconstruction de Sainte-Menehould (ville incendiée en 1719) et la construction de l'Hôtel-Dieu-le-Comte de Troyes ; Jean-Gabriel Legendre en acheva le programme par la chapelle (1759 à 1762). 
[8] Arch. dép. Aube, 2 B 129, f° 366

Et les églises devinrent blanches...


« C’était comme si le monde entier se libérait, rejetant le poids du passé 
et se revêtait d’un blanc manteau d’églises. »

Est-ce à la suite de cette très célèbre citation de Raoul Glaber, si souvent répétée, que nous avions pris l’habitude de penser que nos églises étaient blanches ? Ce moine, né en 985 en Bourgogne et mort après 1047, chroniqueur de l'an Mil, commentait de la sorte, et sans aucun doute de façon métaphorique, la fièvre bâtisseuse qui avait frappé l’occident : 

« Trois années n’étaient pas écoulées dans le millénaire que, à travers le monde entier, et plus particulièrement en Italie et en Gaule, on commença à reconstruire les églises, bien que pour la plus grande part celles qui existaient aient été bien construites et tout à fait convenables. Il semblait que chaque communauté chrétienne cherchait à surpasser les autres par la splendeur de ses constructions. »

Et pourtant, ces églises n’étaient- elles pas peintes ?

La redécouverte de la polychromie sur les façades comme à l’intérieur des églises remonte à quelques décennies. Sondages et mises en valeur prirent une dimension quasi systématique lors de restaurations lorsque Jean-Michel Musso, architecte en chef des monuments historiques, eut la charge des départements de l’Aube, de la Haute-Marne et de la cathédrale de Reims entre 1979 et 1998.

Matei Lazarescu a montré l’intérêt de tels sondages à la chapelle templière d’Avalleur.

L’église de Chaource est un très bel exemple et offre une variété de ces peintures murales entre le XIIIe siècle, décor simple soulignant l’architecture du chœur d’inspiration cistercienne, et le XVIe siècle, avec sa peinture généalogique unique, dans la chapelle des Monstier, ou encore les peintures complétant le programme ornemental de la chapelle du Sépulcre.

Chaource, décor peint du chœur 
Chaource, chapelle des Monstier (détail)

Chaource, décor de la voûte du Sépulcre (détail)

Combien d’églises, aujourd’hui, redécouvrent ces décors trop longtemps oubliés ?

Dans un mémoire de Master, suivi de différents articles, Clara André a mis en valeur ce patrimoine unique, mais fragile et menacé [1]. Il suffit de visiter l’église de Bar-sur-Seine pour s’en rendre compte. Dans certaines chapelles, les désordres de la structure architecturale ont provoqué d’importantes infiltrations. L’humidité a « lavé » le badigeon laissant apparaître sur les voûtains des peintures jusque-là masquées mais condamnés de ce fait à la disparition sans intervention.

Bar-sur-Seine, décor peint révélé par l'humidité

De quand datent ces badigeons ?

Au hasard d’explorations dans les archives et plus particulièrement dans les registres de l’église Saint-Rémi de Troyes, je suis tombé sur une mention fort intéressante et permettant de nous renseigner sur ce sujet.  

L’an 1782, le 21 avril, à l’issue de la grande messe, le conseil de la fabrique se réunit. Deux peintres italiens lui furent présentés : Carlo Branca et Polini. Ceux-ci, après avoir examiné l’église, proposèrent de la reblanchir « en couleur de pierre, de la regrayer, repeindre les saints de la même manière », comme cela avait été fait en l’église Saint-Pierre (la cathédrale). Le travail serait rémunéré 450 livres tournois à la réception des ouvrages qui devaient se terminer dans les trois mois.  

Le 1er mai 1782, les deux peintres faisaient savoir qu’ils renonçaient à réaliser ce travail par crainte de plaintes et oppositions de la communauté des maîtres torcheurs de la ville. Le sieur Jean Dominique, maître maçon en plâtre, accepta aussitôt de reprendre le marché qui avait été fait aux deux italiens.

Ainsi, il semblerait que la cathédrale ait donné l’exemple dans le blanchiment de son intérieur, « avec les saints », c'est-à-dire les statues qui l’ornaient.

Resterait à vérifier dans les registres de la fabrique de la cathédrale et dans d’autres registres si le blanchiment des églises fut général à partir de cette date.

Affaire à suivre...

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[1] Clara André, petite bibliographie :

Les peintures murales du XVIe siècle dans les églises de la Champagne méridionale. Caractéristiques et identité, Mémoire de master professionnel Expertise et Protection du Patrimoine culturel et textuel, Centre universitaire de Troyes, 2007.

Les peintures murales du XVIe siècle dans les églises de la Champagne méridionale – Circuit découverte, 2008.

Les peintures murales de l’Aube : panorama des décors peints de nos églises du XIIe au XXe siècle, édité par l’Académie Troyenne d’Études Cartophiles (ATEC), novembre 2013.

« Bilan historiographique des peintures murales dans l’Aube », La Vie en Champagne, n° 79, 2014, p. 4-13.

« Avirey-Lingey : redécouverte et renaissance des peintures murales de l’église Saint-Phal », La Vie en Champagne, n° 79, 2014, p. 66-72.