jeudi 1 mai 2025

Le décor végétal dans les cérémonies civiles et religieuses à Troyes à la Renaissance

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, il est de coutume, et de très ancienne tradition, que les jeunes hommes des villages de Champagne méridionale aillent couper dans la forêt des arbrisseaux, qu’ils nomment « mais ». Ils les plantent devant les maisons, aux portails ou aux clôtures où habitent des jeunes filles, voire dans certains villages des notables et élus, pour les honorer. Filles et élus répondent en invitant les jeunes à une soirée ou à une collation. Selon les villages ou l'évolution du temps, cette manière d'honorer peut prendre des aspects divers. Les jeunes filles estimées les plus jolies ou les plus vertueuses voyaient dressé devant leur maison un très beau mai tandis que celui d'une fille - voire un notable - peu appréciée était maigre et peu valorisant. Dans ce dernier cas, des branches des conifères pouvaient être utilisées, évoquant le caractère « épineux » de la personne. Parfois, ce sont les filles « bonnes à marier » qui étaient ainsi désignées par un beau mai. 

Cette tradition populaire, s'est quasiment perdue mais elle devait remonter au Moyen-âge. Dans son dictionnaire, Théodore Godefroy donne comme synonyme à « mai » : « branches vertes », évoquant une coutume similaire dès le XIVe siècle (Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, 1881, volume 5, p. 69-70). 

Verrière de Saint-Barthélemy, La promenade du bœuf gras, vers 1515-1525,
église Saint-Etienne de Bar-sur-Seine. 

 Le terme de « mai », « mais », « may » ou encore « maix » se retrouve dans les registres de comptes de la fin du XVe et du XVIe siècle. La seule mention trouvée dans les registres des fabriques quant à la justification de l’emploi de végétaux dans ces fêtes religieuses était qu’ils étaient utilisés « pour la solempnité dudict jour ». Le terme de « mai » s'est imposé pour désigner l'arbrisseau dans les décors végétaux réalisés à l'occasion des fêtes et cérémonies religieuses et civiles, quel que soit le mois de l'année ; à la fin du XVIe siècle le terme de « mai » pouvait être remplacé par celui de « ramée ».

L'article qui suit est le texte d’une communication donnée au colloque « Éphémère et pérenne : l’ornementation végétale dans les décors à la Renaissance », colloque international organisé par Marion Boudon-Machuel et Pascale Charron, 12 et 13 juin 2014, Tours, Centre d'études supérieures de la Renaissance et Château d'Azay-le-Rideau.

samedi 15 mars 2025

Avoir pignon sur rue à Troyes au milieu du XVIIIe siècle ; un exemple d'exploitation du "Plan Coluel"

Le « Plan Coluel » a été mis en ligne sur le site des Archives départementales de l'Aube : 

Le plan Coluel. Découvrez Troyes... en 1769 !

C'est l'occasion de publier ici une contribution, « Avoir pignon sur rue à Troyes dans les années 1760 », extrait des actes du colloque d’Histoire Régionale Compter les Champenois, qui s'était tenu à Reims les 26 et 27 avril 1996, organisé par le Centre d’Études Champenoises (Université de Reims-Champagne-Ardenne), sous la présidence du professeur Jacques Dupâquier, et publié par les Presses Universitaires de Reims en 1998 (pages p.33-43).


Récumé : 

En 1752 une ordonnance prescrivit aux intendants de faire lever des plans exacts des principales villes du royaume. L'un des objets de ces plans était de constater l'alignement des rues et de faire procéder au redressement de celles-ci. Monsieur de Saint-Contest, Intendant de Champagne, commanda à Jean-Joseph Bocher de Coluel, Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées, de procéder à l'établissement du plan de Troyes dont les relevés commencèrent en 1757. Le plan fut achevé en 1769. Chacune des maisons qui borde les rues porte un numéro d'enregistrement et le nom du propriétaire. Le numéro 1 commence à l'Hôtel de Ville, le dernier numéro 2766 correspondant au Palais Royal, ancien palais de comtes de Champagne.

Contemporain de ce plan, daté de 1766, un registre non répertorié et conservé aux Archives Municipales de Troyes sous la cote 1*F enregistre par numéro de maison le nom de ceux qui les occupent, leur qualité ou profession, leur grade dans la milice bourgeoise, ajoutant parfois des observations diverses sur la nature de l'occupant. Ce registre est une source équivalente aux registres d'imposition, qui ont disparu pour cette période. Ces derniers répertoriaient les habitants par Compagnie de Garde de la milice bourgeoise. Ainsi le registre 1*F permet une connaissance relativement précise des métiers à Troyes dans cette deuxième moitié du XVIIIe siècle. En le comparant avec des registres d'imposition plus anciens, il est possible de faire apparaître une évolution quantitative de ces métiers. 

L'association du « plan Coluel » et du registre 1*F permet de distinguer les propriétaires des occupants ou locataires de ces maisons. Il permet encore de reconstituer une topographie des métiers et de saisir la répartition spatiale de ceux-ci dans la ville. Une telle reconstitution ne pouvait être réalisée aussi finement par les registres d'imposition dont la correspondance entre les compagnies de gardes et les rues auxquelles elles devaient appartenir n'a pu être établie jusqu’à présent.

Ainsi le « Plan Coluel » et le registre 1*F permettent d'établir une géographie des professions ayant « pignon sur rue » à Troyes dans les années 1760.